Euphoria : l’avis de la rédac’ sur la saison 2
C’est ce lundi 28 février que le dernier épisode de la saison 2 d’Euphoria s’est achevé. Disponible sur OCS en France, la série a été diffusée en US+24 et a doublée ses audiences aux Etats-Unis par rapport à la saison 1. Après 8 épisodes qui ont engendré moult réactions sur les réseaux sociaux, il est temps pour nous de faire le point sur cette deuxième saison.
Cet article contient des éléments importants de l'intrigue.
Euphoria, c’est la première teen série d’HBO. Créée, écrite et produite par Sam Levinson, la première saison avait déjà eu un succès indéniable, à la fois auprès du public et de la critique. Saluée pour son écriture, sa réalisation et son casting 5 étoiles, Euphoria a d’ailleurs valu à Zendaya, l’interprète de Rue, la récompense de la meilleure actrice aux Emmy Awards. Elle est la plus jeune actrice à recevoir ce prix. Après deux épisodes spéciaux qui ont tout autant fait l’unanimité (nous vous en parlions d’ailleurs ici et ici), la saison 2 était très attendue. Cette dernière est donc parvenue à réunir plus de 13,1 millions de téléspectateur·rices, soit le double de ce qu’avait fait la saison 1. En bref, on parle d’un véritable succès, voir même d’un phénomène. Une saison 3 est déjà commandée et est attendue pour 2024. Mais Euphoria est-elle vraiment irréprochable ?
Ce n’est jamais simple d’admettre les failles d’une œuvre que l’on aime. Pourtant, cette deuxième saison d’Euphoria nous a montré que lorsque l’on place la barre aussi haut dès le départ, il n’est pas toujours simple de savoir rebondir ensuite. Scénaristiquement moins bien ficelée, personnages laissés de côté et incohérences qui s’accumulent, même si la mise en scène et la réalisation nous en mettent toujours plein la vue, impossible de passer à côté de l’évidence : tout n’est pas réussi cette année dans Euphoria.
Un scénario décousu
Dans la première saison, l’une des principales intrigues tournait autour de Jules et Nate. Si nous nous attendions à en voir plus et à découvrir des conséquences réelles sur cette intrigue, il n’en est rien en saison 2. Les échanges entre Nate et Jules sont inexistants jusqu’à la fin de saison qui désamorce à peine le conflit entre ces deux personnages qui étaient au moins aussi important que Rue jusque là. De manière générale, il y a un vrai problème de rythme avec les intrigues. Le premier épisode de la saison posaient pourtant des bases solides tout en nous permettant de revoir tous les personnages que nous avions laissé dernière nous à contrecœur en fin de saison 1. Mais toute la saison tourne autour du pot, que ce soit avec la storyline du triangle amoureux Cassie/Nate/Maddy, avec la tension toujours plus grande qui entoure le personnage de Fez ou même le peu d’intrigue qui a entouré Kat dans cette saison : tout traîne. Euphoria contient pourtant des saisons courtes de 8 épisodes seulement et si la première saison ne nous laissait aucun répit, cette saison 2 paraît longue, trop longue. Il se passe à la fois beaucoup et peu de choses en un seul épisode. Difficile de dire que l’on s’ennuie, ce n’est pas le cas, mais Euphoria prend un malin plaisir à simplement nous faire attendre après quelque chose qui arrivera, mais qui arrivera plus tard. Parfois, ça n’arrive même jamais…
Nous ne savons pas ce qu’il en est entre Laurie et Rue. Rappelons que Rue doit quasiment 10.000$ à cette femme qui est tout bonnement terrifiante. Idem pour la mère de Rue qui supplie littéralement un centre de désintox de libérer une place pour Rue qui est au fond du gouffre. Aucune place n’est malheureusement disponible, et c’est un sujet qu’il aurait été intéressant (voir même nécessaire) de creuser un peu. Mais il n’en est rien, nous n’entendons tout simplement plus parler de centre ou autre.
Le fond du problème, c’est qu’on ne sait pas où veut en venir la série. Si parfois la confusion peut-être bénéfique, ici elle n’a aucun intérêt et est plutôt agaçante. Heureusement, Euphoria est aussi capable de nous surprendre agréablement. Le cinquième épisode de la saison, centré sur Rue et sur son addiction, est probablement le meilleur de cette saison 2. L’épisode vaudra sûrement à Zendaya une deuxième nomination aux Emmy Awards pour sa prestation, mais nous faisons aussi un autre constat : c’est dans l’écriture de Rue et plus particulièrement dans celui de son addiction que Sam Levinson est le meilleur.
L'ombre d'eux-même
L’un des principaux atouts d’Euphoria, ce sont ses personnages. Attachants, imparfaits, hauts en couleurs, nous les avions adoré dans la première saison, et nous les aimons toujours cette année. Pour cette raison, le déséquilibre flagrant entre les personnages (quasi imperceptible dans les premiers épisodes de la série) est difficile à digérer. Comment ne pas parler du développement de Kat (Barbie Feirrera) ? Enfin, de son développement inexistant pour être plus exact. Kat faisait vraiment partie des personnages principaux de la saison 1, un personnage fort et percutant qui plus est. Dans cette deuxième saison, Kat n’est guère plus qu’un personnage secondaire. Pire, l’une des rares séquences qui lui est consacrée est malaisante et même problématique. On sait dès le début de la saison qu’elle n’est pas amoureuse d’Ethan et qu’elle s’ennuie avec lui. Au lieu de rompre avec lui proprement, elle décide tout simplement de lui faire croire qu’elle a une tumeur au cerveau. Evidemment, il comprend rapidement la manœuvre et après toute une discussion dans laquelle Kat gaslight son petit ami, usant de mots utilisés dans les combats féministes (par exemple « incels »), Ethan fini par rompre avec sa petite amie qui est une menteuse en plus d’une manipulatrice. Bref, à des lieux de la Kat que nous connaissions. Ce qui est d’autant plus grave c’est que cette scène est une parfaite démonstration de ce qui est reproché par les détracteurs de la cause féministe : retourner la situation à leur avantage en usant de mensonges. Bref, on se serait bien passé d’une séquence pareille qui n’est ni à la hauteur du personnage de Kat, ni à la hauteur d’une série comme Euphoria. Que s’est il passé ? Dans la même veine, Gia (Storm Reid), qui n’avait pas un rôle très important dans la première saison mais restait un personnage secondaire solide, n’est plus qu’un personnage récurrent avec très peu de dialogue… Dommage, nous espérions en voir plus à son sujet justement.
Malheureusement ce n’est pas tout puisque le trio Rue/Elliot/Jules nous a également offert quelques scènes parfaitement gênantes. Pour rappel, dans l’épisode spécial qui lui était consacré, Jules avait une discussion très intéressante sur la féminité, le male gaze et surtout sur sa relation avec les garçons. Dans cet épisode, elle affirme ne plus être attirée par les hommes. Visiblement c’est une information qui a été mise de côté puisque Jules trompe finalement Rue avec Elliot à la première occasion. On comprend que c’est suite au désintérêt de Rue pour leur relation, mais ça laisse tout de même un goût amer tant cela semble être une facilité scénaristique affligeante. Quand on sait que l’épisode spécial a été co-écrit par Hunter Schaffer elle-même, on comprend vite l’évidence : il y a une différence flagrante entre l’écriture du personnage par Sam Levinson et par celui d’Hunter, actrice concernée par plusieurs des problématiques de Jules. Même constat pour la scène dans laquelle Elliot, Rue et Jules jouent à un jeu dans lequel elles embrassent Elliot, lui lèchent le torse… Non seulement la scène met mal à l’aise, mais en plus, il aurait été appréciable de ne pas tomber dans de pareils clichés. Rue et Jules sont lesbiennes, la présence d’un homme dans leur intimité n’a aucun sens et semble plus relever du fantasme masculin qu’autre chose.
Pour finir sur les échecs scénaristiques, on citera Cassie, qui a comportement complètement insensé. On peut mettre ça sur le dos de l’adolescence mais nous ne comprenons pas cette volonté de vouloir à tous prix la montrer sous son pire jour. Il aurait peut-être été plus appréciable d’équilibrer un peu plus le propos au lieu de faire de Cassie un personnage à la fois ridicule et détestable. On souligne quand même que Syndey Sweeney a fait un travail incroyable pour ce rôle, puisqu’elle crève vraiment l’écran.
On doit tout de même admettre que cette deuxième saison a permis à d’autres personnages de briller, notamment Maddy. Déjà appréciée dans la première saison, elle montre cette année une sensibilité et des aspects de sa personnalité que nous ne lui connaissions pas mais qui font parfaitement sens avec celle qu’elle était déjà. Elle est clairement l’un des moteurs de la saison 2 et nous nous devons de saluer la performance d’Alexa Demie dans ce rôle. Nous sommes également ravis de constater que Lexi (Maude Apatow) prend enfin plus de place dans la série, c’est un personnage intéressant et contrairement à d’autres, très bien écrit. Elle était le rayon de soleil de cette saison et avons hâte de voir où nous mènera son histoire, aussi bien personnelle que relationnelle avec Rue et Fez.
Une réalisation qui nous parle
Heureusement que tout n’est pas à jeter dans Euphoria, et une chose est toujours aussi vraie : la réalisation est époustouflante. Visuellement, tout est beau et Sam Levinson pourrait nous raconter des histoires juste avec sa caméra. C’est d’ailleurs déjà ce qu’il fait partiellement dans Euphoria, et on doit dire que c’est aussi hypnotisant que satisfaisant. La lumière, la photographie, la mise en scène, rien est laissé au hasard, tout est travaillé. Tout est sublimé par la bande originale composée par Labrinth. Mention spéciale pour sa collaboration avec Zendaya sur « I’m Tired » lors du dernier épisode.
Comment parler d’Euphoria sans parler maquillage ? Devenu un véritable phénomène sur les réseaux sociaux et plus particulièrement sur TikTok, les maquillages d’Euphoria font l’unanimité. Audacieux, colorés et réfléchis, ils font parti de l’identité de la série. De manière plus générale, l’esthétique des personnages est très importante dans Euphoria, et c’est aussi quelque chose qui a été reconduit en saison 2. Lorsque Cassie imite le look de Maddy, on s’en rend compte immédiatement : coiffure, maquillage et vêtements, tout y est.
L’esthétique nous dit toujours quelque chose dans Euphoria, et pour cette raison nous avons particulièrement aimé le changement de look de Jules. Comme déjà mentionné plus haut dans cet article, Jules expliquait dans son épisode spécial son rapport à la féminité qu’elle avait l’impression de devoir « performer ». Dans la saison , elle troque ses longs cheveux roses pour un carré et porte moins de vêtements moulants, même si ça lui arrive encore. Nous la voyons souvent avec des vêtements larges, estimés moins féminin aux yeux de la société. Ses maquillages sont également plus sobres. En bref, c’est décidément un sans faute pour l’esthétique de la série qui est toujours à couper le souffle.
Il y a encore beaucoup à dire sur Euphoria, et nous aurions pu nous pencher également sur Nate Jacobs, mais il faut dire qu’on ne sait plus vraiment quoi penser du personnage après cette saison. Et c’est un peu le problème dans Euphoria, on ne sait jamais où on va. C’est peut-être aussi quelque part ce qui fait qu’on aime toujours autant la série ? Ce qui est certain c’est que la saison 2 est loin d’être à la hauteur de la saison 1 ou même de ses deux épisodes spéciaux qui étaient pourtant extrêmement ambitieux. Sans être catastrophique, la saison traîne et tourne autour du pot jusqu’à se perdre complètement. Rien qu’il ne soit impossible de rattraper dans une saison 3 prévue pour 2024 que nous avons hâte de découvrir malgré tout.
Notre note :