Fin de saison 1, Jules quittait East Highland laissant Rue seule sur le quai de la gare, cette dernière n’ayant pas eu la force de fuir avec elle. Si l’épisode précédent d’Euphoria nous plongeait dans un huit clos parfaitement maîtrisé, et de ce fait, plutôt étouffant, l’épisode de Jules nous permet de respirer, parfois. Certes, l’idée du huit clos est là puisque nous sommes témoins d’une séance de thérapie de Jules et sommes donc enfermés dans une pièce avec elle et sa thérapeute. Toutefois, cet épisode nous transporte également dans les souvenirs, pensées, désirs et fantasmes du personnage. Ces séquences nous permettent, certes, de nous évader avec Jules, mais aussi de mieux la connaître et la comprendre. A la fois donc plutôt similaire mais aussi drastiquement différent de l’épisode dédié à Rue, Fuck anyone who’s not a sea blob confirme le génie du réalisateur Sam Levinson puisque ce dernier s’inspire directement de la personnalité et de l’état mental des personnages pour la réalisation desdits épisodes. Ces épisodes spéciaux sont d’ailleurs loin des paillettes et des lumières colorées de la première saison, ce qui n’a pas manqué de surprendre les téléspectateur‧rice. Si la réalisation a l’air sobre, elle est toutefois parfaitement calibrée, pensée et travaillée pour soutenir un scénario écrit par les soins de Sam Levinson… mais pas seulement. Cet épisode 2 a été co-écrit par Hunter Schafer elle même, et ça se sent.
Dès les premières secondes, l’épisode aborde la thématique de la féminité, et plus particulièrement de l’idée que l’on se fait de celle-ci ainsi que de sa construction. On sent que nous sommes sur un terrain qui tient à cœur à l’actrice, elle même concernée par le sujet. Ainsi, Jules parle notamment de sa prise d’hormone qu’elle n’estime pas nécessaire à son épanouissement en tant que femme, puisque ces hormones ne définissent pas ce qui fait d’elle une femme. Hunter Schafer est connue pour parler ouvertement des injonctions faites aux femmes transgenres et de ce qu’on attend d’elles lors de leur transition. Par « on », nous comprenons qu’il s’agit principalement du regard masculin, et c’est d’ailleurs ce qui est rapidement dénoncé dans cet épisode. Un écho direct aux valeurs de l’interprète de Jules qui avait publié ces œuvres sur Instagram pour défendre la liberté des femmes trans à ne pas tucker.
Bien sûr, l’épisode aborde également sa relation avec Rue. Si jusque là il était difficile de savoir exactement ce que pensait Jules, cet épisode nous permet d’y voir plus clair sur ses sentiments, mais aussi sur son propre vécu. La saison 1 d’Euphoria nous avait donné un avant-goût de la vie de Jules mais cet épisode rempli les blancs et permet d’appréhender le personnage d’une nouvelle manière. Plus que ça même, toute la saison prend une dimension supplémentaire. Qu’il s’agisse de ses différends avec sa mère, de son rapport à l’addiction de Rue ou encore de sa relation avec ShyGuy118/Nate, nous plongeons plus profondément que jamais dans la tête de Jules qui est subliment interprétée par une Hunter Schafer bluffante.
La qualité des deux épisodes est évidente, et même si de premier abord ce n’est pas ce qui saute aux yeux, Trouble don’t last always et Fuck everyone who’s not a sea blob sont intimement liés, d’abord de part l’amour que se portent mutuellement les deux protagonistes, mais aussi sur le fond et le but de l’écriture qui est tout simplement de nous transporter dans les pensées et émotions les plus enfouies de nos héroïnes. Les parallèles sont nombreux dans les épisodes pour appuyer ce propos, mais notre préféré reste le dernier plan de chaque épisode.
Cet épisode spécial d’Euphoria est largement à la hauteur de son prédécesseur, tout en apportant quelque chose de nouveau. En vulgarisant les thérapies psy, la prise d’hormone (qui est même montrée à l’écran !), mais aussi le fantasme, Fuck everyone who’s not a sea blob n’avait besoin de rien de plus pour rentrer dans le panthéon des meilleurs épisodes de série, pourtant, cette écriture infiniment pertinente et intime est sublimée par une réalisation réfléchie et l’acting d’Hunter Schafer qui est définitivement une actrice bien trop sous-cotée. On espère grandement voir son nom aux Emmy Awards ou au Golden Globes l’année prochaine car c’est largement mérité, un peu comme le succès que rencontre Euphoria finalement.