Après la diffusion de la mini-série Le Chalet – dont nous avions partagé notre avis -, France 2 lançait lundi 16 avril sa nouvelle création française : Speakerine. La mini-série réalisée par Laurent Tuel est composée de 6 épisodes de 52 minutes. Speakerine nous plonge dans le monde de la télévision des années 1960 en suivant Christine Beauval, speakerine phare du petit écran, et sa famille.
La série, et a fortiori ce pilot, doivent relever le défi de planter le décor de la télévision française des années 1960 et de ses enjeux (les relations entre la télévision et le pouvoir, les différents métiers de la télévision, la place des femmes…) afin de parler à plusieurs générations : celles qui ont connu l’époque de la RTF (radiodiffusion-télévision française), des speakerines, et les nouvelles générations.
Pour ce premier épisode, le pari est tenu ! Le pilot s’ouvre le 28 juin 1962 sur l’entrée de la speakerine fictive Christine Beauval, qu’on peut comparer avec la speakerine phare de la RTF, Catherine Langeais, dans les studios Cognacq-Jay. Le téléspectateur passe dans l’envers du décor et arrive de l’autre côté de l’écran. Certaines répliques et certaines scènes font même des références directes à l’audiovisuel : les personnages parlent de conducteur, de Cinq colonnes à la une (magazine télévisé d’information très populaire), de courrier des téléspectateurs ainsi que la présence des machines à écrire.
Au-delà des références à la télévision, la série met également en avant le contexte historique de 1962, au sortir de la Guerre d’Algérie, appelée alors les « événements d’Algérie », en présentant des personnages sympathisants de l’OAS (Organisation armée secrète, une organisation clandestine créée en 1961 pour la défense de la présence française en Algérie) ou encore en soulignant les liens entre télévision et pouvoir. En effet, au début des années 1960, l’Etat contrôle l’information et, plus particulièrement, l’information politique.
De plus, Speakerine fait plusieurs clins d’oeil à une série culte qui prend place dans les années 1960 : Mad Men. Appelée par plusieurs journalistes « le Mad Men de France 2« , Speakerine réutilise les codes de la série américaine de la chaîne AMC, que ce soit avec l’omniprésence de la cigarette (symbole phallique de la masculinité), les rapports entre hommes et femmes, sans oublier le générique avec des dessins minimalistes et stylisés.
Néanmoins, la série a un gros défaut : ***Attention, éventuels spoilers*** elle mêle ce regard de la télévision sur elle-même avec une histoire de meurtre et une ambiance thriller, comme si, pour qu’une série française fonctionne, il fallait absolument qu’il y ai une enquête et un meurtre à résoudre. Or, cette hybridation avec le genre du thriller semble avoir un impact néfaste dans le scénario en faisant plusieurs raccourcis et en changeant totalement la tournure du personnage principal : Christine Beauval. Celle-ci passe de speakerine, star de la télévision, ambitieuse, mère de famille, à enquêtrice secrète de meurtre qui tente de protéger sa famille. Alors, certes, Christine Beauval peut bien avoir les hobbies qui lui chantent, le soucis est qu’il est possible d’imaginer que c’est par cette enquête et la résolution de l’affaire qu’elle s’émancipera dans ce monde d’hommes et de pouvoir. Ce qui est vraiment dommage car le personnage pourrait très bien évoluer et se libérer naturellement par elle-même. ***Fin des éventuels spoilers*** Cependant, on notera que la musique de l’épisode est superbe, ce qui doit être un des seuls aspects positifs de cette histoire de thriller.
Aussi, le pilot fait le portrait de la famille Beauval. Dès ce premier épisode, chaque personnage a une histoire dont le téléspectateur sait qu’elle va évoluer. Malheureusement, les histoires de cette famille sont pleines de clichés : l’aîné se rebelle, l’adolescente est amoureuse d’un homme ayant l’âge de ses parents, le père est autoritaire et la femme ambitieuse rêve de s’affranchir…
En conclusion, Speakerine réussit le challenge d’emmener les téléspectateurs dans les studios parisiens de télévision des années 1960 avec de beaux costumes, un thème musical dont on ne se lasse pas et une speakerine attachante. On émet une réserve quant au côté thriller de la série mais on continue parce qu’elle se laisse regarder et qu’on adore retrouver les références historiques et artistiques semées au cours de l’épisode !