Quelle place pour les femmes dans The Big Bang Theory ?

Si vous êtes sériephile, il y a peu de chance que vous soyez passé à côté du succès de The Big Bang Theory. La sitcom en 12 saisons a tiré sa révérence il y a bientôt 4 ans avec un épisode fort en émotions. Pour rappel, la série suit l’histoire de Sheldon, Leonard, Rajesh et Howard, quatre scientifiques et passionnés de bandes dessinées, jeux vidéos et plus généralement de pop culture. Mais The Big Bang Theory, ce n’est pas que l’histoire de quatre garçons. C’est l’histoire de quatre geeks qui apprennent à sociabiliser et qui tombent amoureux. Ainsi, plusieurs personnages féminins font leur arrivée dans la série au fil des saisons. Certaines resteront plus longtemps que d’autres. Et surtout, certaines mieux que d’autres. La série ayant débuté en 2007, il faut admettre l’évidence : les personnages féminins n’ont pas toujours été très bien menés dans The Big Bang Theory. Mais à quelle échelle ?

Les femmes dans The Big Bang Theory : qui sont-elles ?

Si on vous demande de citer les noms de personnages féminins dans The Big Bang Theory, 3 noms devraient arriver en priorité : Penny (Kaley Cuoco), Bernadette et Amy. Mais elles ne sont pas les seules à être présentes tout au long de la série. En personnages récurrents, nous pouvons également citer Dr Beverly Hofstadter (Christine Baranski), Marie Cooper (Laurie Metcalfe), Debbie Wolowitz (Carol Ann Susi), Mme Koothrappali (Alice Amter), Lucy (Kate Micucci), Emily Sweeney (Laura Spencer) et enfin Alex Jensen (Margo Harshman). Si beaucoup de ces noms ne vous disent rien, petit rappel :

  • Beverly est la mère de Leonard
  • Marie est la mère de Sheldon
  • Debbie est la mère d’Howard
  • Mme Koothrappali est la mère de Rajesh
  • Lucy est une la petite amie de Rajesh (saison 6)
  • Emily est la deuxième petite amie de Rajesh (saison 7 à 9)
  • Alex est l’assistante de Sheldon

D’un point de vue personnalité, on ne peut pas reprocher à The Big Bang Theory d’avoir cloné ses personnages féminins. Chacune d’entre elle a une personnalité qui lui est propre, aucune ne se ressemble. Mais il y a quand même un problème : chaque personnage peut-être définit par un simple adjectif. Penny ? C’est la bimbo. Marie Cooper ? C’est la religieuse. Lucy ? C’est la fille anxieuse. Bernadette ? Celle qui est autoritaire… Bref, vous avez le schéma. Mais pour être complètement juste, ce n’est pas un problème propre aux personnages féminins. C’est le cas pour tous les personnages, à plus ou moins grande échelle. Toutefois, c’est d’avantage caractérisé sur les personnages féminins, d’abord car elles sont moins nombreuses, mais aussi car à part nos trois héroïnes (Penny, Amy et Bernadette), elles ont peu de screentime pour se développer.

Le féminin au service du masculin

Le principal problème de The Big Bang Theory, c’est qu’en douze saisons, il n’y a pas eu un seul personnage féminin qui ait une storyline à elle. Chaque personnage féminin est intégré pour appuyer un personnage masculin, d’une manière ou d’une autre. Elles sont toujours « la copine de » ou « la mère de » ou « l’assistante de ». Dans The Big Bang Theory, les personnages ne peuvent pas être juste une personne à part entière et c’est précisément le plus gros problème d’écriture de la série.

Rien que dans le cast principal, Penny, Amy et Bernadette ont toutes les trois été intégrées à la série pour être le love interest d’un personnage masculin. Certes, au fur et à mesure nos héroïnes sont développées de manière à avoir quelques intrigues sur leur lieu de travail ou même entre amies, mais ce ne sont jamais des intrigues marquantes et très intéressantes. Parfois, on peut même qualifier ça de carrément sexiste. Par exemple, il y a toujours une rivalité entre Bernadette et Amy pour savoir laquelle est la « meilleure amie » de Penny. La rivalité féminine n’est absolument pas nécessaire dans la série (l’est-elle vraiment dans n’importe quel contexte ?), premièrement, mais surtout c’est une tournure scénaristique qui vieillit franchement mal. C’est devenu cliché et ce n’est plus drôle. Il en va de même pour la rivalité entre les mères de Sheldon et Leonard… Pire encore, lorsque Penny avoue dans la série qu’elle ne veut pas d’enfant, tous les autres personnages la font culpabiliser, y compris son mari, Leonard qui ira jusqu’à la « dénoncer » à son père. C’est bien connu, une femme doit forcément vouloir des enfants, sinon elle est égoïste (une image qui a souvent été donnée aux femmes dans The Big Bang Theory). Bien que Penny campe sur ses positions dans l’épisode, la jeune femme finit… par tomber enceinte, et en est très heureuse. Visiblement, une femme n’est accomplie qu’avec un mari et des enfants et d’ailleurs, les femmes n’existent pas en dehors de ce schéma, en tous cas pas dans The Big Bang Theory.

Alors que des personnages masculins récurrents ou réguliers comme Stuart, Kripke ou Will Wheaton ont le droit à des storyline qui leur sont propres, ces personnages fonctionnent individuellement et n’ont pas besoin d’être liés à d’autres personnages pour exister. Pourtant, c’est systématiquement le cas pour les personnages féminins. Elles qui sont déjà en minorité dans la série ne sont finalement plus des personnages à part entières mais fonctionnent en duo. Et c’est ça sinon rien. On peut le voir avec le personnage de Leslie, la scientifique qui est un temps la sex-friend de Leonard. Une fois qu’elle n’est plus en relation avec lui on ne la voit plus, ou très peu, et le peu de fois où nous la revoyons c’est toujours pour entretenir une pseudo relation avec lui.

Les femmes : pourtant un atout pour la série

Le fait est que sans les personnages féminins, la série n’aurait pas beaucoup évoluée. Et pour cause, si les personnages masculins grandissent, murissent et deviennent plus intéressants, c’est grâce à elles. Prenons l’exemple d’Howard et Bernadette car c’est probablement le cas le plus intéressant : quand on regarde la première saison, Howard est un personnage absolument détestable, à la limite (non en fait complètement) d’être un prédateur sexuel. Il tente d’espionner Penny nue avec un robot, à titre d’exemple. Il est clairement présenté comme un cas désespéré : complètement obsédé par le sexe et surtout pas du tout autonome : il vit toujours chez sa mère, elle lui prépare les repas, fait entièrement le ménage… Ça ne l’empêche pas de passer son temps à se plaindre de cette dernière par ailleurs. Lorsqu’il rencontre Bernadette, assez rapidement, on remarque qu’il change. Il garde ce trait de caractère qu’on lui connait bien, à savoir qu’il parle souvent de sexe, mais ça devient de plus en plus convenable et ça, on le doit à sa relation avec Bernadette. Howard n’est jamais un personnage très autonome, c’est clairement Bernadette qui porte toute la charge mentale dans le couple, mais alors qu’Howard est un personnage détestable au début de la série, il devient bien plus appréciable au fil des saisons.

Ce schéma, il est répété par tous les couples de la série : Sheldon devient bien plus sociable grâce à Amy mais aussi (et surtout) grâce à son amitié avec Penny, Raj évolue au fur et à mesure de ses relations et Leonard règle ses mommy issues grâce à Penny… Pendant ce temps là, les femmes n’ont d’accomplissements que le mariage et/ou le fait d’avoir des enfants. Howard n’apporte rien de particulier à Bernadette. Elle ne devient pas plus sûre d’elle par exemple, contrairement à lui. Concernant Penny, c’est plus subtile. Quand on rencontre Penny, c’est une jeune femme qui rêve de devenir actrice. En attendant elle est serveuse au Cheesecake Factory. Certes, à la fin de la série, Penny a une belle carrière… mais pas dans la comédie. En effet, elle est pistonnée par Bernadette pour travailler dans la même boîte que cette dernière. Mais ce qui est problématique, c’est que Penny aurait pu devenir actrice. Elle en a l’opportunité, mais ne reçoit même pas le soutien de son mari. Le projet tombe à l’eau, pas seulement à cause de Leonard, mais on finit par se demander s’il est possible pour une femme dans cette série de réaliser ses rêves. Enfin, pour Amy, elle gagne certes un prix Nobel mais… avec son mari. Finalement la question qu’on se pose est : les femmes dans The Big Bang Theory peuvent elles accomplir des choses par elles-mêmes et surtout pour elles-mêmes ?

Des procédés misogynes

Dans The Big Bang Theory, on aime jouer avec les stéréotypes. C’est même le fond de commerce de la série puisqu’au départ, on se joue des clichés autour des geeks. Par exemple, Sheldon est clairement sur le syndrome autistique et c’est un support comique récurrent dans la série. Le fait qu’Howard soit juif et Raj d’origine indienne est également sujet de raillerie tout au long des 12 saisons… Ce sont des blagues souvent limites puisqu’on se moque d’une pathologie ou d’une origine et les personnages féminins ne sont pas exclues de ce système. Si ça nous intéresse particulièrement, c’est parce que les stéréotypes donnés aux personnages féminins sont systématiquement misogynes. Par exemple, le running gag avec Penny, c’est de parler de son passé sulfureux. Finalement, on tombe clairement dans un cas de slutshaming. On reproche également à Penny d’être stupide à côté de ses ami‧es scientifiques. En bref, Penny est le cliché de la bimbo blonde… Pour Bernadette, elle est présentée comme une véritable teigne. On lui reproche d’être dure et d’être « celle qui porte la culotte ». Encore un cliché réservé aux femmes qui est bien sexiste. On ne s’attarde pas assez sur la charge mentale de Bernadette, qui a toutes les raisons du monde d’être dure avec son mari : c’est elle qui s’occupe des comptes, c’est elle qui s’occupe de la cuisine, du ménage, et de toutes les formalités administratives. C’est elle qui gère le foyer tout en ayant un job au moins aussi accaparant que celui d’Howard.

Un autre cas un peu similaire mais traité différemment est celui de la mère de Raj. En effet, Mme et Mr Koothrappali forment un couple malheureux. Comme on a jamais assez de clichés dans The Big Bang Theory, les parents de Raj se sont mariés dans un contexte de mariage arrangé. Quand on les rencontre, ils sont encore en couple, mais passent leur temps à se déchirer. Plus tard dans la série, Mme Koothrappali disparait carrément de nos écrans : elle et son mari ont divorcés. On comprend alors au fur et à mesure que le père de Raj profite de la vie : soirée, petites amies bien plus jeunes que lui… Quand il se justifie, la raison est toujours la même : la mère de Raj était trop dure, trop rigide. Comme quoi, c’est un cliché récurrent.

Amy est probablement celle qui souffre le moins de ces clichés car elle est aussi celle qui évolue le plus dans la série. Quand on la rencontre, Amy est extrêmement semblable à Sheldon : pas intéressée par le sexe, passionnée de sciences et clairement en décalage avec la société. Si elle évolue au fur et à mesure de la série (pas toujours de manière très cohérente), elle reste « la fille bizarre ». Assez bizarre pour tomber amoureuse de Sheldon, pour offrir à Penny une peinture particulièrement gênante… Malheureusement, quand elle évolue, c’est toujours dans l’intérêt de faire évoluer Sheldon à son tour et elle ne s’émancipe jamais de cette image de fille bizarre. Amy n’a aucun‧e ami‧e avant de rencontrer nos protagonistes, on comprend qu’elle a souffert de harcèlement scolaire… Elle est là pour qu’on l’identifie comme « cette fille étrange ». Pas très valorisant…

Le problème de l’avortement dans The Big Bang Theory

C’est un problème qui n’est pas propre à The Big Bang Theory, mais ça reste un problème : l’avortement n’est jamais une option. C’est un sujet qui n’est jamais abordé alors que le contexte de la série s’y est prêté à au moins deux reprises. On sait que le sujet de l’IVG est encore sensible aux Etats-Unis même en 2023, mais ça ne doit pas nous empêcher de nous questionner sur l’impact que de telles images peuvent avoir sur notre société justement. Lorsque Penny tombe enceinte, la dernière fois qu’elle a parlé d’avoir des enfants, elle était catégorique : elle n’en voulait pas. Plot twist, une fois qu’elle est enceinte, son envie d’avoir des enfants semble s’être éveillé. Ce qui n’est pas du tout impossible direz-vous ! Mais là où le problème est flagrant, c’est pour la deuxième grossesse de Bernadette. Il est clair qu’elle ne veut pas de deuxième enfant, c’est très explicite et il en va de même pour Howard d’ailleurs. Tous les deux sont sonnés par la nouvelle de la grossesse, il s’agit d’un accident et élever leur premier enfant les a déjà épuisé·e·s. Pourtant, il n’est jamais question de ne pas le garder. On ne prononce même pas la possibilité d’un avortement alors même qu’un deuxième enfant est loin d’être désiré et ce par les deux parents. Ce qui est problématique dans les deux cas, ce n’est pas que Bernadette et Penny gardent leurs enfants alors qu’elle ne les désiraient pas à la base. Evidemment qu’on peut changer d’avis et évoluer dans un sens comme dans l’autre. Le problème c’est que l’option d’un avortement n’est PAS mentionné, comme s’il s’agissait d’un acte honteux.


The Big Bang Theory n’est pas une série qui avait la vocation de se positionner politiquement. Toutefois, la pop culture étant le reflet de notre société, les propos tenus doivent toujours êtres responsables et ont systématiquement un impact sur le public. De fait, ne pas aborder le sujet de l’avortement EST un positionnement politique même si le but était probablement de ne pas prendre parti à la base. A part ce cas précis, le plus désastreux dans la série date surtout des premières saisons (pour rappel qui date des années 2000). On pense en particulier aux actes plus que limites d’Howard qui étaient alors montrés comme des blagues. Pour parler d’autres problèmes récurrents, on citera aussi la transphobie par-ci par-là tout au long de la série. Mais pour en revenir à notre sujet, concernant la misogynie, c’est plus subtile. Les personnages féminins, surtout principaux, de The Big bang Theory sont vraiment un atout pour la série et elles sont présentées et exploitées de cette manière. Aussi, elles ne manquent pas d’intelligence, d’ailleurs, presque toutes ont des postes prestigieux au travail par exemple. Le problème réside en une écriture pauvre les concernant elles et rien qu’elles. On pense qu’elles auraient mérité des storylines personnelles plus intéressantes et plus développées. Pour conclure, ce qu’on retient, c’est que c’est frustrant de voir des personnages aussi singulières et attachantes n’être réduites qu’à des petites amies idéales. Il y a clairement un potentiel non exploité et c’est dommage.

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