Supernatural : retour sur l’épisode 18, la révélation du canon Destiel et parlons de queerbaiting

Supernatural s’est achevée cette année après pas moins de 15 saisons. Une des plus longues séries avec un total de 326 épisodes (rien que ça) étalés sur 15 années de travail. Si vous ne connaissez toujours pas la série et que vous avez quand même cliqué sur cet article, Supernatural suit l’histoire de deux frères, Sam (Jared Padalecki) et Dean Winchester (Jensen Ackles), des chasseurs de démons et autres monstres en tous genre… Vampires, loup-garous, fantômes et wendigos mais pas seulement !

Ils sont rapidement rejoint par l’ange Castiel (enfin rapidement, tout est relatif, il met quand même 4 saisons à arriver, mais bon sur 15 saisons, on estime que ça reste tôt), ce qui marque également l’arrivée de Lucifer, Dieu et plusieurs autres divinités qui seront rapidement ancrés dans l’ADN de la série. L’arrivée de Castiel (Misha Collins) dans Supernatural est également un tournant puisqu’il est le seul personnage à rester jusqu’à la quinzième saison aux côtés des Winchester. La quasi totalité des membres de l’entourage des frères a tendance à mourir (parfois de façon totalement scandaleuse, Charlie, on pense à toi) ou à simplement disparaitre. Si on sent la série toujours très centrée sur les frères, Castiel se fait rapidement une place dans le show et devient une figure emblématique et indissociable de Supernatural. Au fil de la série, Castiel et Dean créent des liens forts et pendant pas moins de 11 saisons, le doute persistait (à peine) : sont-ils de simples amis ? Il aura fallu 11 saisons à Supernatural pour répondre à cette question. C’est dans l’épisode 18 que Castiel fait une déclaration passionnelle à Dean sur ses sentiments amoureux… Avant de mourir. Peut-on vraiment se satisfaire de si peu ? Les représentations ont-elles si peu d’importance pour la CW (chaîne de diffusion de la série) ?

Difficile de parler de réelle représentation quand on se penche sur le cas particulier de la CW. La chaîne américaine a diffusé (et diffuse encore) des séries à succès comme Gossip Girl, The 100 ou encore actuellement Riverdale. Bref, des séries qui s’adressent principalement à un public adolescents. Ces séries sont toutes, sans exceptions, extrêmement hétérocentrés. Gossip Girl est probablement un des meilleurs exemples avec des personnages principaux intégralement hétéro. Dans la série, deux personnages sont ouvertement gays : le père de Blair (Leighton Meester), décrit comme quelqu’un qui a abandonné sa famille pour vivre avec son conjoint, et Eric (Connor Paolo), qui aurait pu être un peu plus présent mais que la production a préféré effacer peu à peu… On ne le voit quasiment pas en couple d’ailleurs. Pour les personnages de The 100, c’est encore différent. Si Clarke (Eliza Taylor), l’héroïne de la série, bisexuelle, elle est également l’un des plus détesté de la série. The 100 est également à l’origine d’un personnage emblématique : Lexa (Alycia Debnam-Carrey). Contrairement à Clarke, le personnage était très bien écrit, charismatique et très apprécié de la communauté de fan… Jusqu’à sa mort. Une fois son histoire d’amour réellement débutée avec Clarke (entendez par là que les deux femmes se retrouvent enfin et sont heureuses l’une avec l’autre), il ne faudra pas attendre plus de quelques minutes pour que le personnage meurt, tuée par une balle perdue. La mort de Lexa a fait couler énormément d’encre, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux. On a un peu moins parlé des multiples morts de Sara Lance (Caity Lotz), initialement vue dans Arrow, et actuellement à la tête de l’équipe de Legends of Tomorrow. Le personnage est bisexuel et nous savons que la série tente (tant bien que mal) de mettre en avant des minorités. Ce n’est pas encore parfait, mais il faut bien débuter quelque part. Evidemment, si nous nous penchons particulièrement sur le cas de la CW, la chaîne n’est clairement pas la seule à avoir ce genre de pratique.

Supernatural : retour sur l'épisode 18, la révélation du canon Destiel et parlons de queerbaiting - Lexa dans The 100

Si le problème n’est pas seulement caractéristique de la CW (bien que la chaîne soit un des meilleurs exemples en terme de représentation de minorité médiocre), il est également important de noter que les personnages LGBTQIA+ ne sont pas les seuls à en faire les frais. Les minorités de genre mais également raciales sont victimes de discriminations. Pour reprendre l’exemple de The 100, la mort de Lincoln (Ricky Whittle) avait, elle aussi, énormément faite parler. L’acteur avait notamment dénoncé le harcèlement et le racisme de Jason Rothenberg, créateur de la série. Cela n’a pas empêché la CW de renouvelé la série en laissant ce dernier aux manettes.

En parlant de traitement de personnage, nous pouvons tout simplement mentionner de Bonnie (Kat Graham) dans The Vampire Diaries. Ce personnage, qui est définitivement un des meilleurs de la série ceci étant dit, est probablement celui qui souffre le plus dans la série. Elle est toujours celle que l’on trompe et celle qui est « sacrifiable ». On pourrait croire à une coïncidence si ce n’était pas aussi courant, malheureusement. Il est en fait difficile de trouver des personnages noirs récurrents et correctement traités dans les teen séries.

Dans Supernatural, le traitement des minorités est le même. Les personnages noir‧es sont quasiment inexistants et sont rarement des alliés (s’ils en sont soyez sûrs qu’ils mourront rapidement). Le personnage de Kevin, interprété par l’acteur asiatique Osric Chau, est une représentation asiatique qui est plus que la bienvenue d’autant plus qu’il fait l’objet d’une évolution plutôt positive… jusqu’à sa mort en saison 9. Quand aux personnages LGBTQIA+, la plus emblématique n’est autre que Charlie (Felicia Day) dont la mort a choqué le fandom de la série de part sa soudaineté et sa violence. D’ailleurs, comme la plupart des personnages féminins de la série, Charlie n’a jamais le traitement et la place qu’elle mérite vraiment dans la série.

Charlie dans Supernatural

Supernatural, ça reste une série qui a commencé il y a 15 ans. Les mœurs étaient différents, et la démarche de vouloir garder l’authenticité du show jusqu’au bout est à la fois louable et gage de qualité. Toutefois, on reconnait une bonne série aussi lorsque celle-ci est capable d’évoluer. De devenir meilleure. Force est de constater que le fait de mal traiter ses personnages LGBT+ a toujours été courant dans Supernatural, jusqu’en 2020. Pour prendre l’exemple le plus flagrant nous allons reparler du personnage de Charlie. Tuée par Eldon Frankenstein (David Hoflin), nous la retrouvons simplement morte dans une baignoire. L’évolution du personnage était pourtant intéressante et très bien écrite jusque là… Les scénaristes ont, par la suite, trouvé le moyen de faire revenir le personnage, mais ce retour est doux amer tant il n’est pas à la hauteur du personnage. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Charlie n’est pas la seule femme à aimer les femmes dans Supernatural. Claire Novak (Kathryn Love Newton) vit également une histoire d’amour avec Kaia. Une histoire assez brève puisque que Kaia meurt et la série n’a plus tellement donner l’opportunité à Claire d’avoir un réel développement. Si nous devions avoir droit à un spin-off sur les Wayward Sisters, le projet a finalement et malheureusement été abandonné par la CW. Enfin, un dernier personnage a toujours été plus ou moins soupçonné d’être pansexuel. Il s’agit de Crowley (Mark Sheppard) qui a, au fil des saisons, laissé plusieurs indice sur son indifférence pour le genre des personnes qui l’attirent. Pour autant, ce n’est jamais réellement exploité et c’est même quelque chose que l’on évitera finalement de montrer… Pourtant, l’interprète lui même explique qu’il imagine Crowley pansexuel.

Finalement, Saison 15, épisode 18, la vérité éclate : Castiel est amoureux de Dean. Si certain‧es pensent encore que la nouvelle sort de nul part, la série a pourtant laissé des indices tout au long de cette dernière. Nous ne parlerons pas du cas de Dean en soit (souvent interprété comme bisexuel par les adeptes de Destiel) car rien a été rendu canon à son sujet. Toutefois, pour les quelques exemples, dès la saison 4, la relation entre Castiel et Dean est décrite comme particulière. Uriel déclare à Dean dans le dixième épisode de la saison 4 « Castiel ? Il n’est pas là. Tu vois, il a cette faiblesse, il t’apprécie. ». Plus tard, en saison 6, dans le troisième épisode, Sam demande à Castiel au sujet de Dean « Donc quoi, tu le préfères lui ? » ce à quoi Castiel répond « Dean et moi partageons un lien bien plus profond. Je n’allais pas le mentionner ». Toujours en saison 6, Balthazar dit à Dean « Désolé, tu dois me confondre avec l’autre ange. Tu sais, celui avec le trench coat sale qui est amoureux de toi ? ». Bref, les preuves d’un Castiel amoureux de Dean ne datent pas de la saison 15. C’est bel et bien une relation qui a été écrite tout au long de la série. Difficile toutefois de comprendre pourquoi la production a attendu 15 ans pour verbaliser une évidence.

Difficile à comprendre, oui et non. Le fait de faire comprendre mais ne pas vraiment montrer une relation homosexuelle, la faire espérer aux téléspectateur‧rices sans jamais l’exécuter a un nom : le queerbaiting. Pour être plus précis, le queerbaiting c’est le fait d’inciter l’audimat a regarder/consommer une série ou n’importe quel contenu fictif sous prétexte qu’il contient une représentation LGBQIA+. C’est un moyen d’exploiter l’audience d’une communauté tout en ne perdant pas les téléspectateur‧rices LGBTphobes. Pourtant, nous en parlions plus tôt cette année, les représentations sont importantes à la télévision. Des séries comme Once Upon A Time, Sherlock, Hannibal, Merlin ou encore Hemlock Grove ont été accusée de queerbaiting, mais aucune n’a égalé Supernatural en terme de durée. Il faut dire que 11 ans, c’est long.

C’est donc dans la saison 15, épisode 18 que Castiel avoue ses sentiments à Dean. Si cette scène (et l’épisode de manière générale) est parfaitement réalisée et mise en scène par Richard Speight Jr (qui incarne aussi l’ange Gabriel dans la série), Misha Collins livre également une performance incroyable dans une séquence pleine d’émotion. On regrette tout de même le jeu d’acteur de Jensen Ackles, loin d’être à la hauteur de celui de son co-star. Cette différence notable marque un premier déséquilibre dans cette séquence, et celui-ci ne fera que s’amplifier au fur et à mesure qu’on se rapproche de la fin de la série (il ne reste alors que deux épisodes pourtant). Le fait que Dean ait finalement assez peu de réaction face au coming out de Castiel que ce soit pendant ou même après dans les épisodes suivants continue à donner des arguments aux personnes qui ne voient en Dean et Castiel qu’une relation platonique et amicale alors même que Castiel fait une déclaration amoureuse. L’écriture du discours de Castiel est également légèrement ambigüe, juste ce qu’il faut pour que celles et ceux qui refusent de voir une relation homosexuelle aient encore le luxe d’avoir le doute. C’est un véritable problème dans le sens où la production de Supernatural a passé pas moins de 11 ans à tenter par tous les moyens de ne pas froisser cet audimat tout en n’ayant aucune considération pour les fans queers qui pourraient regarder le programme et se reconnaitre en Castiel. Finalement, ce sont toujours les minorités qui sont sacrifiables et sacrifiées. Preuve étant, quelques minutes après que Castiel ait prononcé « Je t’aime » à l’intention de Dean : le personnages est importé par Le Vide et meurt, lui aussi.

Nous avons à nouveau à faire à un trope bien connu qui est celui de « Bury our gays », soit le fait de systématiquement tuer les personnages LGBT+. Un schéma qui, vous l’aurez compris, est bien exploité dans Supernatural. Avec le personnage de Castiel, le trope est largement flagrant puisqu’il meurt vraiment quelques minute après son coming out. Le trope Bury our gays est né principalement pour « donner une leçon » et pour montrer que les personnes LGBT+ « n’ont pas le droit au bonheur ». Comme expliqué plus haut dans cet article, c’est quelque chose d’extrêmement courant, pas seulement dans Supernatural mais aussi dans d’autres séries très connues comme The 100, Person of Interest, Doctor Who ou même Lost. Certes, la séquence est absolument époustouflante, c’est quelque chose que nous ne pourrons jamais retirer à la série (remercions chaleureusement Misha et Richard pour leur travail), et le fandom peut être heureux d’avoir eu un semblant de validation, mais est-ce réellement suffisant ? Tout ce contexte n’en reste pas moins extrêmement frustrant. Peut-on vraiment parler de représentation alors même que Castiel meurt quelques minutes après avoir avoué ses sentiments ? Nous sommes en droit, en 2020, d’attendre mieux de la part d’une série comme Supernatural. La production de la série avait d’ailleurs le devoir de faire mieux avec ses personnages, ne serait-ce que parce que Castiel est un personnage emblématique de la série.

Castiel dans l'épisode 18 de Supernatural

Si les fans de Supernatural et les fervant‧es défenseur‧euses de Destiel ont dû vivre cette épisode comme un soulagement dans un premier temps, il est indéniable que le traitement du personnage de Castiel est déplorable. Emblématique, intéressant et populaire, son coming out, certes (trop) tardif aurait pu (presque) rattraper des années de queerbaiting et donner une représentation de taille dans le monde de la pop culture. Sa mort n’est ni plus ni moins signe que la chaîne n’est pas prête à donner plus de screentime à un personnage ouvertement gay. On rend Destiel canon, mais bon… N’abusons pas des bonnes choses.

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2 commentaires

Lignier

le 26 août 2021 à 9h29

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Bonjour ma comunoter supernatural et destiel

Ps le couple Dean wincheter et gatiel et mon

Préféré bonne journée à tous les fants de supernatural

fanny mesmacque

le 18 décembre 2020 à 18h47

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