Transferts : l’avis de la rédac’ sur la saison 1 !

Création originale de la chaîne franco-allemande Arte, Transferts a vu sa première saison se terminer le 23 novembre dernier. Toutefois celle-ci sera disponible en replay sur le site de la chaîne jusqu’au 15 décembre et est d’ores et déjà disponible en DVD. Pour rappel, voici l’histoire : dans un futur proche, le transhumanisme est devenu réalisable mais illégal. Après 5 ans de coma suite à un accident, Florian Bassot (Alexis Loret), simple père de famille, se retrouve « transféré » dans le corps de Sylvain Bernard (Arieh Worthalter), un policier tête brûlée de la BATI (Brigade Anti-Transferts Illégaux) dont la mission est de traquer les « personnes transférées »…

Nous vous avions précédemment parlé du pilote, qu’en est-il du reste ? Voici l’avis de la rédac’ sur la saison 1.

 

  • Une série d’anticipation (ou de régression ?) intelligemment écrite

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Transferts ne nous laisse pas de marbre et nous fait réfléchir. Questions métaphysiques, remise en cause du pouvoir de l’Eglise, manipulation des médias, sacrifices par amour et corruption politique sont autant de sujets intelligemment abordés par la mini-série d’anticipation. Au centre, bien évidemment, la question de l’identité. Peut-on réellement séparer le corps de l’esprit ? C’est là qu’intervient l’Eglise, qui se veut être un Clergé nouveau du 21ème siècle, représentée par le Père Luc (Xavier Lafitte) qui a réussi à la dépoussiérer et la moderniser et à rallier de nouveaux fidèles. La soi-disant évolution témoigne en fait d’une régression où la société semble être revenue au Moyen-Âge avec une laïcité qui en prend un sacré coup. Les hommes de pouvoir ne sont pas en reste et pensent avoir tous les droits. Jusqu’ici rien de novateur, mais la série nous montre le pire dont l’Homme avec un grand H est capable (trafic de chair humaine, usurpation d’identité, meurtre, etc.) où chacun semble prêt à vendre corps et âme au sens propre pour accéder à l’immortalité. Car c’est bien là la quête ultime : l’accès à la vie éternelle, en passant de corps usés en corps plus jeunes.

Ainsi, Alexandra (Edith Scob), une vieille pianiste, n’aura aucun scrupule à vouloir voler le corps de Clara (Camille Voglaire), pianiste débutante, ainsi que sa vie -voire même son jeune amant, Fabrice (Emilien Vekemans)- et donc à la condamner à mort, simplement pour pouvoir continuer d’exercer son métier assénant que « le monde du piano a besoin d’elle ». Cependant, la motivation vient parfois de l’amour qui peut amener à faire des choses irrationnelles. Le protagoniste principal en est le meilleur exemple : sa femme Sophie (Toinette Laquière), incapable de le laisser partir a préféré le faire transférer dans un corps étranger plutôt que de le perdre mais elle en paiera les conséquences puisque Florian n’est plus tout à fait lui-même, devenu « cet autre être » -hybride en quelque sorte. L’aveuglement de l’amour, l’aveuglement de la foi religieuse… sont autant de points sensibles dont se servent les responsables des transferts illégaux. De plus, la corruption atteint tous les niveaux de pouvoir : Eglise, politique, et même BATI… Au final les dés sont pipés d’avance et la mini-série nous enferme dans une dystopie où les bons semblent condamnés et les pourris s’en tirent…

 

  • Une scénographie qui va (parfois trop) loin

Pour retranscrire cette sombre vision de l’avenir, la réalisation se veut brute et la scénographie n’est pas en reste. L’atmosphère qui en ressort est pesante voire anxiogène mais toujours lourde de sens. On ne sort pas indemne du visionnage de Transferts, tant on redoute quelles mésaventures vont encore arriver à Florian/Sylvain et aux victimes de transferts illégaux. La série ose toutefois et prend des risques en n’hésitant pas à tuer l’un des personnages principaux en milieu de saison par exemple. Certaines scènes sont difficilement soutenables, comme par exemple le passage à tabac d’un couple pro-transferts par des policiers de la BATI cagoulés et menés par Gabriel (Steve Tientcheu) par haine des transférés, et c’est là que la réalisation est parfaitement menée puisque nous nous identifions alors au personnage de Florian / Sylvain qui sort en courant de la villa submergé par l’horreur de l’acte de ses collègues. Certains aspects de la série peuvent choquer moralement, notamment lors des confessions télévisuelles à domicile des fidèles pensant parler au Père Luc mais qui s’adressent en réalité à des prêtres munis de capteurs et de fiches techniques sur eux afin de se faire passer pour le Père Luc et donner l’impression aux fidèles de les connaître. La confession repose alors sur un mensonge entendu. Dangeac (Thierry Frémont), le méchant de la saison si l’on peut dire, ne montrera aucun respect envers l’Eglise et s’en servira même de couverture pour son trafic de transferts illégaux. Mais l’on éprouve surtout du dégoût envers les instigateurs du trafic, ainsi que certains personnages prêts à tout pour se faire transférer.

D’autres scènes suscitent un profond écœurement telles que celle où Alexandre (Jean-Marie Winling), PDG, et son épouse condamnent leur fils Gaëtan (Bastien Bouillon), héritier de l’empire paternel, à devenir le réceptacle humain de l’esprit d’Alexandre, qui est mourant. Gaëtan implore alors ses parents de ne pas lui faire subir ce sort mais tous deux, ainsi que l’imperturbable Dr Vautier (Patrick Raynal), sont imperméables à cette supplication. Alexandre devient donc Gaëtan et son épouse vient alors l’embrasser, donnant une image incestueuse et profondément dérangeante de l’impitoyable couple qui n’a pas hésité à sacrifier son propre enfant pour garder la place d’Alexandre au pouvoir de l’entreprise. La sexualité est également traitée de façon crue, sans tabou, ce qui apporte plus de crédibilité pour ce genre de scènes. Florian / Sylvain, tiraillé entre son épouse Sophie et sa collègue Béatrice (Brune Renault), se sentira plus facilement à l’aise avec son nouveau corps auprès de Béatrice alors qu’il doit apprendre à s’accepter aux côtés de sa femme, ce qui nous permet de voir les failles du personnage, en proie au doute total suite à son transfert. Ce qui nous amène à évoquer la prestation des acteurs dans le point suivant…

 

  • Des performances d’acteurs inégales  

Deux acteurs sortent particulièrement du lot lors de cette première saison : l’acteur belge Arieh Worthalter, qui tient le rôle-titre ainsi que la jeune Pili Groyne, l’interprète de Liza / Woyzeck, bluffante de maturité. Pour commencer, Arieh Worthalter arrive parfaitement à retranscrire la dualité de son personnage et son mal-être constant en jouant aussi bien sur l’émotion que la colère, le désespoir, le dégoût de lui-même puis au final l’acceptation. Tout au long de la saison, il nous convainc qu’il est à la fois Florian et Sylvain et suscite de l’empathie auprès des téléspectateurs. Du côté de Pili Groyne, sa performance est impressionnante puisque la jeune fille incarne le quarantenaire Woyzeck, ancien magnat du trafic de transferts illégaux, transféré dans le corps d’une enfant pour ne pas éveiller les soupçons. A la fois effrayante et mutine mais toutefois attachante, Liza / Woyzeck est un personnage-clé de cette saison et apporte sa touche d’originalité à la série, lui permettant de se démarquer. Mention spéciale également à Brune Renault, qui incarne une Béatrice touchante, personnage fort et fragile à la fois, sûre d’elle mais parfois perdue et qui semble faire les mauvais choix, notamment parce qu’elle est sous l’emprise du vrai Sylvain Bernard, qui ne la traite pas telle qu’elle devrait l’être. Malheureusement, tous ne sont pas logés à la même enseigne : personnages sans charisme ou acteurs peu convaincants, la série pèche parfois par son casting. On regrettera également le traitement de la BATI, où les policiers semblent être des clichés sur pattes, à l’instar de Gabriel. Cependant dans l’ensemble, on y croit !

 

  • En conclusion

Points positifs :
– les performances d’Arieh Worthalter et Pili Groyne
– l’originalité du choix du sujet et son traitement
– la réalisation à la fois réaliste et haletante

Points négatifs :
– des scènes parfois à la limite du supportable
– une ambiance anxiogène constante
– des prestations d’acteurs inégales

Note : 4/5. Basée sur une idée de départ originale, cette première saison de Transferts nous emmène dans la double vie de Florian Bassot / Sylvain Bernard avec brio. Quête métaphysique, corruption politique ou encore remise en question du pouvoir religieux, cette mini-série d’anticipation nous permet de réfléchir à plusieurs sujets de société qui ne semblent pas si éloignés de notre époque. Le suspense est au rendez-vous et bien qu’on ait toujours hâte de voir l’épisode suivant, le ton de la sérié est parfois lourd, voire malaisant. Toutefois, après le rebondissement final, comment ne pas espérer une seconde saison ?

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