La série américano-britannique The Crown fait partie de ces programmes connus pour leur qualité irréprochable, à tous les niveaux. Les protagonistes étant les membres de l’une des plus importantes monarchies existantes, un travail de qualité semblait s’imposer encore davantage, pour éviter des critiques supplémentaires – créer une fiction à partir de la famille royale anglaise est en effet un exercice périlleux.
Dès la première saison, pourtant, les critiques positives sont au rendez-vous et ainsi de suite pour les deuxième et troisième saisons, cette dernière marquant l’arrivée de nouveaux acteurs pour reprendre les rôles des membres de la famille royale prenant de l’âge.
Cette quatrième saison est donc la seconde volée d’épisodes avec le deuxième groupe d’acteurs… Comment se passent les retrouvailles avec ces protagonistes ? Suivre la reine Elisabeth II (Olivia Colman) régner depuis trente ans, est-ce aussi passionnant que son accession au trône ?
- Une série toujours très soignée et très bien orchestrée… mais inégale
Dès ses prémices, The Crown s’est imposée comme une série à la narration exemplaire, avec un travail de reconstruction, de choix des faits montrés ou écartés de très grande qualité. Car rappelons que la souveraine anglaise, âgée de 94 ans, est montée sur le trône britannique il y a près de 70 ans ! La création d’une série sur son règne s’annonçait donc laborieuse… Pour autant, dans les trois premières saisons, la sélection avait été très bien faite, puisque peu de moments de flottements ponctuaient alors les épisodes et l’on pouvait à peine regretter de ne pas avoir vu reconstituée la rencontre entre la reine et Marilyn Monroe… C’est malheureusement ici que le bât blesse dans cette quatrième saison qui devait pourtant s’annoncer bien remplie avec deux personnages féminins importants venant rejoindre Elisabeth : Margaret Thatcher et Lady Diana, princesse de Galles.
Et pourtant, force est de remarquer qu’il y a beaucoup de longueurs, de lenteurs et que la saison est inégale. Si certains épisodes sont passionnants, d’autres tardent à démarrer et gardent un rythme plat. On aurait aimé un découpage différent.
Les premiers épisodes montrant la princesse Diana semblent avoir été conçus comme si la simple présence de ce personnage emblématique suffisait à les rendre intéressants, quand bien même le spectateur s’ennuie de ces lenteurs et finit par se lasser des bouderies (compréhensibles) de la princesse de Galles et plus que tout des atermoiements lâches du prince héritier (Josh O’Connor) quant à son mariage. La cérémonie en elle-même n’est d’ailleurs pas montrée, rendant le spectateur encore plus perplexe : fallait-il vraiment évincer l’union pour nous montrer davantage de longs moments d’ennui ? Quant au personnage de Margaret Thatcher, il se révèle contre toute attente plutôt amusant et on aurait aimé la voir davantage, ou que ses apparitions soient mieux réparties.
- Trop d’ellipses et de personnages absents
Dès les débuts de la saison, le besoin de restituer le contexte se fait sentir : quel âge ont les autres enfants du couple royal ? Ceux qu’on ne voit jamais car jugés non intéressants, quand l’accent est presque exclusivement porté sur Charles – et un peu la princesse Anne. Il faudra pourtant attendre plusieurs épisodes pour découvrir les princes Andrew et Edward. Quant aux parents de Diana, on ne les verra pas de toute la saison, ce qui laisse un côté bancal : si la reine Elisabeth et le prince consort se soucient du mariage raté de leur fils, pourquoi n’en va-t-il pas de même du côté des parents de la mariée ? L’absence d’une mention des parents de Diana – même par le biais de figurants – renforce le côté « seule contre tous » de la princesse et fait ressortir cet aspect fictionnel qui nous dit que l’histoire basée sur des faits réels sonne étrangement faux.
Les nombreuses ellipses – nécessaires, cela se comprend – viennent aussi perturber le spectateur car il y a trop peu de signes temporels et on se retrouve à se demander souvent en quelle année a lieu l’épisode et combien de temps est passé depuis le mariage de Charles et Diana, l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, etc., et l’on sort à chaque fois un peu de l’intrigue.
Enfin, l’accent mis sur Charles et Diana rend la reine Elisabeth parfois un peu absente. C’est une énorme différence par rapport aux premières saisons où non seulement elle était omniprésente, mais où aussi un ballet de personnages secondaires, tous très intéressants, défilait devant la caméra chacun amenant son lot d’intrigues politiques, médiatiques, amoureuses, etc. Ici, la saison peut se résumer par d’un côté les rencontres entre Elisabeth et Margaret Thatcher et de l’autre les disputes entre Charles et Diana et les fréquents coups de téléphone de ce dernier à sa maîtresse Camilla Parker-Bowles.
- Des personnages secondaires qui se révèlent intéressants
Malgré les critiques précédentes, on note quand même une excellente facture comme à l’accoutumée avec des reconstitutions exceptionnelles (décors, costumes, dialogues) et un choix d’acteurs pertinents et doués. Si l’on est surpris que la princesse de Galles (Emma Corrin) soit écrite comme une femme enfant-immature et boudeuse, on n’oublie pas qu’il s’agit du début de son entrée dans la famille royale et que la saison suivante montrera peut-être son affranchissement de celle-ci et son épanouissement médiatique. Le prince Philip (Tobias Menzies), un peu absent, est comme à l’accoutumée amusant depuis qu’il a apaisé ses colères de jeunesse. On apprécie aussi Gillian Anderson, méconnaissable dans le rôle d’une Margaret Thatcher déterminée et très sûre d’elle, ces traits face à la reine lui donnant presque des accents comiques. Enfin, Helena Bonham Carter troque son excentricité vue et revue pour les traits d’une femme qui essaie de faire de son aigreur un moyen de se tourner vers les autres et cela lui réussit : elle est touchante de justesse dans ce nouveau visage sérieux qu’elle prête à la princesse Margaret.
Malgré ces critiques, la qualité de The Crown est si élevée que cette saison reste une réussite. Notons qu’elles sont énoncées par rapport aux trois premières saisons de facture d’une excellence rare. Les premiers épisodes de cette saison sont d’ailleurs très réussis avec une baisse par la suite et une remontée vers le milieu et la fin de saison. Pour autant, ce quatrième volet demeure une réussite qui donne une impression de se terminer trop rapidement et fait attendre la suite avec impatience.
Notre note : 4/5