Genius : Aretha, l’avis de la rédac’ sur la saison 3 consacrée à Aretha Franklin (National Geographic)

Du 21 au 24 mars 2021, la chaîne National Geographic a diffusé aux Etats-Unis la saison 3 de sa série d’anthologie Genius. Après Albert Einstein (saison 1) et Pablo Picasso (saison 2), la saison 3 est cette fois consacrée à un génie de la musique, la chanteuse américaine Aretha Franklin. En huit épisodes (entre 40 et 60 minutes), la série nous dépeint la vie haute en couleurs de la reine de la soul.
Elle sera diffusée en France à partir de juin, mais à la rédac’ de Just About TV, nous l’avons déjà regardée. Alors, que vaut Genius : Aretha ?

* si vous connaissez déjà la vie d’Aretha, cette critique ne comporte aucun spoiler

Une superbe reconstitution

D’un point de vue formel, Genius : Aretha est indéniablement une série de qualité. Visuellement d’abord, de par sa reconstitution qui a dû s’avérer complexe, mais dont le résultat est impressionnant. La série couvre une période de près de 60 ans ! De la naissance d’Aretha en 1942, jusqu’à sa participation aux Grammy Awards de 1998. Non seulement, les costumes, les décors mais aussi les moeurs correspondent bien à chaque époque, le passage d’une décennie à l’autre se fait aussi de manière fluide. En même temps que la couleur apparait à l’image (les scènes d’enfance d’Aretha apparaissent la plupart du temps en noir et blanc), on voit aussi la société évoluer, notamment le traitement réservé aux Noirs.
On salue le travail de costumes, mais aussi les coiffures d’Aretha et de son entourage – notamment féminin – dont le style de perruques change à mesure que le temps passe, mettant également en valeur leurs cheveux naturels avec de très belles afros durant les années 70. Poussant le détail jusqu’au bout, en 1998, lorsqu’Aretha apparaît pour la dernière fois dans la série (elle est décédée en 2018), sa prise de poids a été reconstituée par les maquilleurs.

Le déroulement chronologique se révèle aussi intéressant et on apprécie le fait de nous proposer deux timelines, dont l’une non linéaire. Si la vie d’Aretha adulte défile normalement, d’une année à l’autre, les séquences retraçant son enfance naviguent d’une temporalité à l’autre. Si cela peut au début paraître désordonné et désorienter le spectateur, il comprendra rapidement que c’est pour mieux répondre à la vie actuelle d’Aretha, beaucoup de ses difficultés adultes résultant de troubles dans l’enfance.

Bien que dans son dernier épisode, la série accélère un peu abruptement pour couvrir les années 80, puis les années 90, dans l’ensemble, la chronologie et la reconstitution sont de très bonne facture.

Musicalement, la série est un bijou. La voix de la reine de la soul est toujours aussi touchante, et elle nous est présentée dans l’envers du décor puisqu’Aretha passe beaucoup de temps en studio d’enregistrement. On a alors le plaisir de voir la naissance des morceaux, la cohésion entre les musiciens. On découvre aussi l’importance de la musique dans la vie familiale d’Aretha, notamment dans son enfance (la jeune Bri’Anna Harper double l’interprète d’Aretha enfant pour les parties chantées), mais aussi dans le quotidien de beaucoup d’Afro-américains qui se réunissent à l’église pour chanter du Gospel. Aretha n’en reste pas là, elle explore, touche à tout, chante de la soul, de la pop, du disco, pour arriver aux sonorités des années 80, on sent alors que sa grande époque est passée, et pourtant, elle finit en beauté en chantant de l’opéra à la cérémonie des Grammy Awards 1998, remplaçant au pied levé le grand Pavarotti alors souffrant ! Si l’on doit mettre un bémol, il n’y a que les débuts de la chanteuse la menant vers ses premiers succès qui passent un peu rapidement à l’écran.

Un biopic sans complaisance

Choir and Rev C.L. Franklin, played by Courtney B. Vance, behind Little Re, played by Shaian Jordan, as she performs her first solo in her father’s church. (Credit: National Geographic/Richard DuCree)

On apprécie aussi dans ce biopic sous forme de série sa grande neutralité. Le regard porté sur la chanteuse est sans complaisance. Le portrait, souvent élogieux – et pour cause – parfois peu flatteur, ne passe rien sous silence et nous dévoile la vie d’Aretha Franklin telle qu’elle a été, avec le positif, comme le négatif. Ainsi, les deux grossesses adolescentes d’Aretha (enceinte à 12 ans et à 13 ans !) ne sont pas édulcorées, pas plus que les frasques de son père, C. L. Franklin. Le riche et célèbre pasteur de Détroit « à la voix à un million de dollars » apparaît comme un personnage controversé et complexe, tantôt un soutien, tantôt cherchant à contrôler la musique de sa fille et lui imposant beaucoup de pression. En plus de cela, il est aussi infidèle à de nombreuses reprises et, en 1940, met enceinte une jeune fille de douze ans…
De même, la série ne dissimule pas les actions un peu moins positives d’Aretha, comme lorsqu’elle double sa soeur pour chanter sur un album de Gospel parce que sa propre musique connaît une période un peu compliquée. Un sujet d’importance est également traité bien qu’on aurait aimé que cela soit approfondi : la violence conjugale. Aretha Franklin est en effet battue par son premier mari, Ted White, dont elle divorce par la suite. Sa chanson RESPECT est considérée comme une ode féministe, mais la série passe rapidement sur ce tube.

Cynthia Erivo, comme Aretha Franklin, sont impressionnantes

C.L. Franklin (L), played by Courtney B. Vance, with his daughter Aretha Franklin, played by Cynthia Erivo, while she records at The New Temple Missionary Baptist Church. (Credit: National Geographic/Richard DuCree)

Genius : Aretha nous montre deux femmes impressionnantes, que sont la chanteuse Aretha Franklin et son interprète, la très talentueuse Cynthia Erivo. Cette dernière est bluffante et s’efface totalement au profit de son personnage. Elle est transportée par la musique d’Aretha, et ses interprétations de la chanteuse, autant dans sa vie personnelle que lorsqu’elle chante, sont magistrales. Un film biographique intitulé RESPECT est prévu pour août avec Jennifer Hudson en Aretha Franklin. Si on ne doute pas du talent de la comédienne récompensée par un Oscar, on a hâte de voir si sa performance sera égale, moins bonne ou meilleure que celle de Cynthia Erivo qui a mis la barre très haut.
De cette manière, elle redonne vie à cette musicienne de haut vol qu’était Aretha Franklin, qui a amplement mérité son succès. Tout au long de la série, on voit à quel point Aretha travaille dur, et l’on voit aussi son sérieux. Elle est constamment en studio, à chercher de nouvelles sonorités, à essayer de produire une musique dans l’ère du temps, pas uniquement du Gospel. Elle se bat pour trouver un producteur qui la comprend, puis pour être reconnue comme productrice. En plus de sa voix, Aretha possède aussi un don pour le piano – Cynthia Erivo est dans la série doublée par la pianiste Colette L. Coward. Aretha fait attention à tout, y compris comment résonne le piano selon les objets qui l’encombrent.
Non contente d’être un prodige de la musique, et même si elle vient d’un milieu privilégié, Aretha se soucie aussi des causes sociales de son temps, comme le combat des Noirs pour l’égalité, auquel elle veut participer aux côtés du docteur Martin Luther King. Enfin, lasse d’être battue par son mari, elle le quittera et connaîtra d’autres histoires d’amour.

Au-delà du jeu extraordinairement naturel de Cynthia Erivo, le reste du cast est aussi très bon, – de la famille d’Aretha à ses compagnons –  en particulier Courtney B. Vance (interprétant son père, le pasteur C. L. Franklin) et David Cross (dans le rôle du producteur de musique Jerry Wexler). Petit bémol pour Shaian Jordan, la jeune actrice prêtant ses traits à Aretha enfant. Si elle est très convaincante lorsqu’elle prétend chanter, elle a parfois des expressions très incongrues et peu naturelles qui peuvent dérouter le spectateur.

Vous l’aurez compris, Genius : Aretha est une excellente série et sans doute l’une des meilleures saisons. On ne s’ennuie pas durant ces huit épisodes qui passent rapidement et dépeignent les mille et une facettes de la vie de cette femme hyperactive et hyper-talentueuse. La série prend fin sur le dernier grand moment d’Aretha Franklin en 1998, plutôt que de pousser jusqu’à sa fin de vie en 2018. Au-delà de nous montrer la vie de la chanteuse, la série nous dépeint une société en évolution et une femme qui restera dans les mémoires comme une musicienne, mais qui était aussi une mère, une fille, une soeur, une amoureuse et une militante.

Notre note :

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