UnREAL : l’avis de la rédac’ sur la saison 3 !

La troisième saison d’UnREAL s’est achevée le 23 avril dernier aux Etats-Unis sur la chaîne Lifetime. La série met cette fois en scène une Bachelorette entourée de ses prétendants pour une émission télévisée tandis qu’en coulisses, les dramas s’enchaînent… Retour sur l’intégralité de cette saison.

***Attention, cet article contient des spoilers!***

 

  • De la difficulté d’être une femme célibataire (dans un monde misogyne)

Cette année, le candidat est une candidate, ce qui rend la perspective différente des deux premières saisons. UnREAL est connue pour son intelligence quant au traitement du sujet présenté chaque saison et cette nouvelle cuvée n’échappe pas à la règle. Le débat est ouvert à réflexion en soulevant la question suivante : en tant que femme, doit-on rester soi-même ou jouer un rôle pour trouver l’amour ? Et c’est à travers la Bachelorette que l’on cherche à répondre à cette interrogation. En effet, Serena (Caitlin FitzGerald) est une femme intéressante, belle, intelligente, indépendante, riche MAIS elle n’arrive pas à trouver l’amour car cela pose problèmes aux hommes. La série joue avec la légende urbaine disant que les hommes n’aiment pas les femmes à succès, ou encore les femmes intimidantes, voire dominantes. Sur les conseils de Chet (Craig Bierko), la Bachelorette décide alors de se faire passer pour quelqu’un qu’elle n’est pas, à savoir : fragile, stupide, facile, et qui réclame de l’aide afin de permettre aux hommes de sentir plus forts et supérieurs. Ce triste constat arrive suite à la scène de la partie de poker où Serena humilie clairement ses prétendants. Entre excès de confiance et arrogance, il n’y a qu’un pas, certes, mais une femme confiante est souvent cataloguée de femme prétentieuse. Suivra donc la séquence où Serena accepte d’être filmée en « princesse » avec ses preux chevaliers qui doivent gagner son cœur. Vision moyen-âgeuse ? Représentation archaïque ? Pas si sûr…

Cependant, vite lassée de prétendre être quelqu’un qu’elle n’est pas, Serena cessera ce petit jeu puisque, comme elle se plaît à le répéter, elle est ici « pour trouver un mari« . Se mentirait-elle à elle-même ? Il semble pourtant évident que ce n’est pas dans une émission de télé-réalité qu’elle rencontrera l’homme de sa vie -plusieurs pistes nous mènent à ce constat, y compris les dires des deux derniers prétendants sur l’absurdité du concept dans l’épisode final- et pourtant, elle s’accroche à cette idée… par désespoir de cause ? Mais Serena oublie qu’elle aussi doit plaire à ses prétendants, et Madison (Genevieve Buechner) cassera l’image de la candidate en la faisant passer pour hystérique. Où est la vérité ? Serena est-elle vraiment possessive et hystérique en amour et cela expliquerait pourquoi elle est toujours célibataire ? Ou Serena demandait-elle de l’honnêteté envers elle à un homme qui n’a pas eu le courage de lui dire que tout était fini ? Nul ne le saura car le débat n’est pas là et renvoie à la vraie problématique soulevée par cette saison : la difficulté d’être une femme célibataire (dans un monde misogyne). Dans le final de la saison, Serena assume son célibat et choisit d’être seule, bien qu’elle ait été poussée par Rachel (Shiri Appleby) à prendre cette décision. La presse l’encensera pour son courage, l’appelant même « héroïne féministe ». Or, bien qu’elle revendique être heureuse de ce choix, la réalisation nous montre qu’il n’en est rien puisque l’ultime gros plan dédié à Serena s’élargit pour nous dévoiler la jeune femme seule dans une immense limousine vide, swipant de profil en profil sur un énième site de rencontres…

 

  • Une série résolument féministe…

L’autre thématique abordée cette saison -et plus généralement dans la série dans son intégralité, réside en la difficulté d’être une femme dans un monde dominé par les hommes. On parle ici de business, où Quinn (Constance Zimmer) a bien du mal à se faire une place au soleil parmi son ex Chet, créateur du programme, et le patron de la chaîne, Gary (Christopher Cousins). Tandis que sa relation conflictuelle avec Chet est davantage explorée en seconde saison, l’intrigue se concentre cette année sur le bras de fer qui va l’opposer à Gary. Menacée de licenciement, c’est avec la même arme que Quinn va se battre tout au long de la saison et triomphera : la solidarité féminine. C’est d’abord Madison que Quinn mettra à contribution pour faire tomber Gary. En effet, on voit pendant cette saison un parallèle opéré entre Quinn, qui est parvenue là où elle est à force de travail et de persévérance, et Madison, qui couche pour réussir. Madison est la maîtresse de Gary mais celui-ci se préoccupe peu de sa conquête autre que pour le sexe. Désirant exister pour ses talents de productrice et non d’amante, Madison s’associera à Quinn qui court-circuitera Gary publiquement dans une magistrale scène de l’épisode 5 après que celui-ci lui ait lancé un « Des femmes comme toi ne peuvent pas se permettre de commettre des erreurs« , remettant en cause le statut des femmes au travail et faisant écho à l’affiche de la saison (en photo de couverture, ndlr) où le « Lady » est barré, remettant la parité entre homme et femme. En seconde partie de saison, Quinn sera trahie par une amie de longue date, Fiona (Tracie Thoms), mais lorsque la redoutable productrice lui proposera d’être numéro 1 à ses côtés au lieu « d’être numéro 2 pour un homme, qui plus est, blanc de surcroît », Fiona ne pourra décliner l’offre et toutes deux feront tomber la tête de l’arrogant patron de chaîne en réunissant une dizaine de victimes de harcèlement sexuel. Petite anecdote : les épisodes avaient été écrits avant le mouvement #MeToo mais raisonnent pourtant parfaitement dans l’actualité du monde hollywoodien…

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Par ailleurs, Quinn essaiera de faire comprendre à Madison que ses valeurs sont erronées : « Be your own woman, not somebody else’s bitch » (qui pourrait se traduire par « Sois la femme que tu es, pas la s****e de quelqu’un d’autre« ). Toutefois, bien que nous nous soyons épanchés sur l’affrontement Quinn/Gary, d’autres éléments féministes sont dispersés tout au long de la série et ce, depuis déjà deux saisons. La lutte entre les deux titans reflétait davantage le propos cette saison. Mais le choix d’illustrer une Bachelorette et non un Bachelor cette année en dit également long sur le sujet. Dans la première partie de la saison, on peut voir que les candidats hommes semblent consommer les femmes tels des produits mais en seconde partie, c’est la Bachelorette qui semble faire la même chose, bien qu’elle cherche réellement l’amour. UnREAL nous montre ainsi que les deux ne sont pas incompatibles et qu’en 2018, une femme a le droit d’être libérée et d’assumer sa sexualité, tous comme les hommes le font déjà. La série ne remet cependant pas en cause cette normalité instaurée chez certains hommes et va même jusqu’à prendre le contre-pied de cette banalité présumée en dévoilant la fragilité de deux candidats : Jasper (Bart Edwards) et Owen (Alex Hernandez) dans les épisodes 8 et 9. UnREAL est une série féministe certes mais elle ne succombe pas pour autant à une dénégation des hommes, au sens générique du terme.

 

  • …mais qui tombe parfois dans les travers qu’elle cherche à dénoncer 

Hélas, la série ne réussit pas toujours l’exercice et tombe parfois dans ce qu’elle cherche à dénoncer. Nous avons en effet pu voir dans le paragraphe précédent que Quinn et Fiona deviennent désormais patronnes de la chaîne après avoir écarté Gary pour harcèlement sexuel. Or, Fiona va pourtant commettre la même erreur dans l’épisode final, quand elle laisse Madison se déshabiller devant elle. Cette dernière retombe ainsi dans la facilité que Quinn lui avait pourtant dit d’éviter si elle souhaitait gagner en crédibilité et se faire prendre au sérieux par ses pairs. Alors que Madison avait enfin toutes les clés en main pour se faire un nom par son talent, elle nous renvoie une image malsaine, qui reflète malheureusement une certaine réalité du métier… UnREAL dénonçant ces codes, il est dommage de voir le personnage faire plusieurs pas en arrière après une telle évolution et un affranchissement de la pression masculine. D’ordre général, nous nous retrouvons quelque peu confus cette saison puisque nous ne savons plus sur quel pied danser ni quels messages veulent nous renvoyer les showrunners. Bien qu’UnREAL a toujours été un nid de relations toxiques et d’ambiance malsaine sur fond de féminisme, nous nous retrouvons cette fois confrontés à la désolidarisation féminine quand cela arrange l’une d’entre elles, au mauvais esprit et autres trahisons ainsi qu’au message envoyé aux femmes de « demoiselle en détresse ».

Parmi les personnages, certains n’ont pas un développement psychologique toujours très cohérent et ce, par souci d’en faire toujours plus… Quinn a parfois peu de sens moral, certes mais rappelons que sous prétexte de réaliser une bonne émission, elle met en danger la vie d’une petite fille dans l’épisode 7 ! Elle n’a pas de limites et se moque des conséquences psychologiques sur les personnes. La journaliste chargée de rédiger un article assassin à son sujet lui dira même qu’elle se déteste et que c’est la raison pour laquelle elle se venge sur autres femmes pour les détruire… ce qui ne paraît pas si invraisemblable mais l’épisode 7 va trop loin dans l’absence de conscience du personnage. Quant à Serena, elle se montre d’une naïveté qui nous laisse perplexe, tant le personnage semble intelligent et hermétique à toute tentative de manipulation… Or Rachel la manipule aussi aisément qu’elle le souhaite. Pis encore, Serena pense réellement trouver l’amour en étant filmée 24 heures sur 24 mais tout est faux (le titre de la série y faisant écho) et elle ira même jusqu’à se mettre à nu devant les caméras dans l’épisode 9, illustrant métaphoriquement que le personnage se dévoile entièrement au sens et au figuré. Plusieurs indices disséminés tout au long de la saison pointaient vers le célibat final de Serena et seule la première concernée ne semblait pas le voir, trop prise par la quête de son prince charmant imaginaire. De plus, Serena se clame indépendante mais entame une relation avec plusieurs de ses prétendants, dévoilant une certaine dépendance affective…

Rachel de son côté, finira seule elle aussi, sans réel love interest dans cette saison, où elle rejetée de tous, mais semble se contenter de la cabane dont elle rêve depuis l’épisode 1 de la saison 3. Or, le trailer de la quatrième saison nous dévoile que Rachel sera la Bachelorette, détruisant à nouveau l’évolution du personnage… Jay (Jeffrey Bowyer-Chapman) véhicule lui aussi de mauvaises valeurs, tant cette saison il est sur la pente descendante et se laisse acheter par le sexe qu’il confond avec de l’intérêt amoureux, alors que son amant Alexi (Alex Sparrow) se prostitue pour de la drogue, nous amenant une storyline un peu trop clichée… Enfin, Dr Simon (Brandon Jay McLaren), nouveau psychologue de l’émission, souffre lui aussi d’un développement psychologique bancal qui montre un nouvel échec de la série… Le personnage servait en effet à faire comprendre à Rachel ce dont elle avait besoin ou non pour avancer, or, malheureusement, dans l’épisode final, celui-ci devient un énième prétendant de Rachel, montrant un aspect déséquilibré et cassant ainsi tout le travail construit en amont sur la sanité d’esprit des protagonistes…

 

  • Quinn & Rachel : je t’aime, moi non plus

Les showrunners ne s’en sont jamais cachés : la réelle histoire d’amour (platonique) de la série, c’est celle entre Quinn et Rachel. Quinn représente en effet la mère que Rachel n’a jamais eue, étant donné que la sienne s’approche davantage d’une sociopathe que d’une matriarche. Cependant, nous nous interrogeons parfois sur l’authenticité de cette amitié, qui nous semble toxique avant tout. Pourtant, elles sont toutes deux les piliers du show et l’une ne va pas sans l’autre : le lien entre les deux femmes s’apparente davantage à de la « codépendance » (mot qui est le titre de l’avant-dernier épisode de la saison, ndlr). Quinn et Rachel se complètent et se ressemblent bien plus qu’il n’y paraît car chacune saborde (in)consciemment leurs relations avec leurs proches ou avec des personnes susceptibles de les aimer. Bien que Quinn semble avoir l’ascendant moral sur Rachel, c’est pourtant Rachel qui est la seule à percer Quinn à jour, ce qui déplaît à cette dernière, notamment quand Rachel lui dit ses quatre vérités et qu’elle se retrouve tellement blessée qu’elle va se venger en ayant une courte liaison avec August (Adam Demos), l’homme que convoite Rachel. Mais la psychologie de Quinn est tellement ambiguë que la raison pour laquelle elle couche avec August pourrait aussi bien être protéger Rachel d’elle-même… Quinn est également possessive envers Rachel et semble parfois vouloir la contrôler. Comme excuse au fait qu’elle est allée sortir Rachel de sa retraite alors que celle-ci allait mieux psychologiquement, elle répondra qu’elle l’a fait pour Rachel car elle a besoin de tout cet environnement et « qu’elle est comme ça », mais en réalité c’est parce qu’elle a besoin d’elle et ne peut pas faire sans. Rachel quant à elle sombre toujours de plus en plus, bien qu’elle semble vouloir remonter la pente en acceptant l’aide du Dr Simon mais elle est un personnage borderline par excellence qui dérape aisément lorsqu’elle est mal guidée. Rachel justifie par exemple son comportement manipulateur en se disant que Quinn lui a demandé, alors qu’elle se délecte clairement, mais Jeremy (Josh Kelly) voit clair dans son jeu alors qu’il a été manipulé et affirme même que elle qui a consciemment fait de lui un meurtrier.

Quinn paraît ne pas soucier du bien-être de Rachel lorsqu’elle lui dit que bien évidemment qu’elle veut qu’elle aille mieux mais après la fin du tournage de la saison ! Or, seule Quinn comprend Rachel et lui tient des propos pertinents, notamment lorsque Rachel essaie de sortir son père des griffes de sa mère : « En essayant de sauver ton père, tu penses te sauver toi, mais ce n’est pas comme ça que ça marche ». Lorsque le père de Rachel fera un scandale sur le plateau et que Chet souhaitera filmer ce moment, Quinn l’en empêchera en lui disant « C’est réel ça Chet, c’est Rachel » (« This is real » en VO, en opposition avec le titre de la série) alors que concernant l’image ou les conséquences sur toute autre personne , elle lui déclare « Je fais de la télévision, la vraie vie n’est pas mon problème« . C’est ainsi que l’on comprend que Quinn protège Rachel, tout comme l’inverse est vrai également puisque pour sauver la carrière de Quinn, Rachel sacrifie l’image publique d’August et les sentiments de Serena envers lui dans l’épisode 9. Et pourtant, quand Quinn fait enfin quelque chose de bien pour Rachel, à savoir lorsqu’elle lui donne un chèque pour acheter sa cabane et lorsqu’elle licencie le Dr Simon qui espionnait Rachel, cette dernière ne le croit pas puisqu’elle faisant confiance en son psychologue, qui lui a affirmé que sa relation avec Quinn n’était pas basée sur de l’amour car elle faisait écho à sa propre relation avec sa mère qui ne l’a jamais aimée. Or, Quinn aime réellement Rachel à sa façon, et représente la figure maternelle qu’il manque à Rachel. Alors que le Dr Simon a déclaré à Quinn que tant qu’elle sera dans la vie de Rachel, celle-ci n’aura pas une relation saine avec elle, nous réalisons que « sain’ n’est pas un mot définissant Rachel, ni Quinn, ni même aucun personnage de la série. Rachel aimant ce milieu toxique et étant complètement instable, sa relation avec Quinn est au final la plus « saine » possible… Toutes deux partagent donc réellement un amour pur l’une envers l’autre, bien qu’elles aient une étrange façon de le montrer.

 

En conclusion, cette troisième saison d’UnREAL est légèrement en-deçà des deux précédentes et se prend parfois les pieds dans le tapis. Plusieurs storylines étaient clairement inutiles, tandis que le développement psychologique de certains personnages laissait à désirer. Plus les saisons avancent, plus le poids psychologique se fait lourd. Cependant, on apprécie la légèreté des séquences « running gag » avec Graham (Brennan Elliott) faisant de la pub lors des cérémonies de fin d’émission et Quinn commentant de façon cinglante chacune des apparitions du présentateur -qui est au final le seul personnage à rester hors de l’intrigue et à être épargné des dramas ambiants. Écrite comme une ultime saison, le final semble clôturer la série puisque chacun semblait avoir son happy end mais espérons que la saison 4 saura donner une conclusion décente et cohérente aux péripéties de nos complexes protagonistes. Note : 3/5.

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