Little Birds : l’avis de la rédac’ sur la série !

La chaîne britannique Sky Atlantic diffuse depuis le mois d’août une nouvelle série assez différente de ce à quoi l’on est habitué. Baptisée Little Birds, d’après le recueil de nouvelles d’Anaïs Nin dont elle est adaptée, cette pépite est à voir et l’on peut saluer le travail qui l’a rendue possible. Elle a été créée par Sophia Al Maria et réalisée par Stacie Passon.
Se déroulant dans la zone internationale de Tanger, Maroc, en 1955, elle suit plusieurs personnages dont les intrigues se croisent, en commençant par Lucy Savage (Juno Temple), une jeune et riche débutante américaine envoyée épouser un bon parti anglais basé à Tanger, Hugo Cavendish-Smyth (Hugh Skinner), qui se révèle malheureusement homosexuel, vivant une romance secrète avec un aristocrate égyptien, Adam Abaza (Raphael Acloque).
S’ajoutent à cette distribution de personnages la prostituée Chérifa Lamour (Yumna Marwan) et son amoureux Léo (Kamel Labroudi), en guerre psychologique avec les colons français dirigés par le Secrétaire Pierre Vaney (Jean-Marc Barr), en bons termes avec les occidentaux riches installés au Maroc, à l’image de la Contessa Mandrax (Rossy de Palma) et de ses filles.

Lucy et son mari Hugo

*cette critique ne comporte pas de spoilers*

  • Quelques failles qui dérangent un peu sans sauter aux yeux

Une fois n’est pas coutume, cette critique commencera par les petits défauts de Little Birds, de manière à garder le meilleur pour la fin. Ils n’empêchent en rien de prendre plaisir à regarder les six épisodes, mais il est quand même utile de les remarquer.
Le premier problème de Little Birds peut être quelques aspects caricaturaux, qui ont échappé à la vigilance de la production qui s’est employée à rendre un résultat le plus fin possible – nous y reviendrons. Malgré tout, force est d’admettre que les Français apparaissent presque tous comme des sadiques franchement cruels, pervers et ridicules, notamment la scène où le Secrétaire déguste un ortolan, sans mentionner la violence et la torture, et cet accent français forcé à outrance.
Dans un souci de réalisme, il aurait été plus logique que les Français parlent français entre eux – ils écoutent d’ailleurs des chansons françaises – et que les Arabes parlent arabe entre eux, le tout sous-titré, plutôt que tout le monde parle anglais de manière illogique et de surcroît avec un accent à couper au couteau parfois difficilement compréhensible. Soit, dans un souci de fluidité, le recours aux sous-titres a été écarté.

Le très sévère Secrétaire Pierre Vaney lors d’une fête chez la Contessa.


On déplore aussi une vision cliché de l’Orient, qui tombe encore une fois dans la caricature : Tanger est le lieu de toutes les décadences, fêtes à n’en plus finir, pratiques sexuelles extrêmes, drogue, alcool coulant à flots, armes, etc. Finalement, ce côté transgressif finit par lasser autant qu’il perd de son impact : une scène de sadomasochisme, ça marque, une par épisode, ça devient une habitude.
Au moins, le rapport entre Arabes et colons est bien dépeint, on comprend sans le moindre doute la remise en question du colonialisme.

Chérifa et son amoureux Léo
  • Une réalisation dont les spécificités la rendent unique autant qu’elles la desservent

Little Birds, c’est aussi un parti-pris visuel immédiat. Beaucoup de décisions techniques qui rendent l’image de Little Birds spéciale fonctionnent à double tranchant, plaisant autant qu’elles peuvent lasser et tombant dans un côté caricature à moitié assumé. Si le grain de la photographie vous semble sorti des années 80, c’est normal, on sent une volonté de la part de la réalisatrice de vieillir aussi sa pellicule (en numérique bien sûr) pour plonger le spectateur dans le passé.
Celle-ci fait un usage excessif de cadrages étranges et d’angles de caméra atypiques pouvant donner mal à la tête aux plus sensibles d’entre nous. Le but étant sans doute d’accentuer le côté intriqué de l’intrigue à tiroirs.
Il en va de même pour ces lumières colorées dont on ne voit jamais la source mais dont les tons vifs éclairent artificiellement des murs çà et là avec des bleus, des verts, des rouges dignes des vitraux d’une cathédrale, mais aussi des fuchsia, des menthe-à-l’eau, etc., censés rappeler les décorations variées de l’Orient. On notera aussi la musique très belle où s’est glissé un thérémine très connoté science-fiction, qui déroute un peu.
Si tous ces artifices peuvent donner l’impression d’être cache-misère et d’en faire trop, ils ont aussi le mérite de donner son identité à la série et de lui faire revêtir une apparence très créative.

  • Little Birds : la haute-couture des séries
Adam

Au final, en six épisodes, on est conquis par cet univers si bien retranscrit qu’il en paraîtrait réel, et auquel on sent tout de même qu’une touche de fiction a été ajoutée – avec un dosage parfaitement équilibré. L’intérêt qui se profilait dès le pilot ne faiblit pas jusqu’au bout.
Et il faut saluer l’avant-dernière séquence, se déroulant au sous-sol d’une maison dans la campagne marocaine, pour son rythme incroyable où la tension semble augmenter avec chaque prise de parole d’un personnage. Rarement dans un programme, les scènes se seront suivies avec un caractère à ce point imprévisible et pourtant crédible, donnant comme résultat cette séquence qui achève la série en apothéose.
Avec sa diversité de personnages tous très justes, ses décors et ses scènes époustouflantes, ses dialogues très pointus où il ne faut pas rater un mot, Little Birds brille parmi la masse des séries. Amours, extravagance, politique, espionnage, art et trahison d’état… le tout impeccablement réalisé, font de cette mini-série une oeuvre d’art, la haute-couture du divertissement !
Notre note : 4,5/5 remportée haut la main.

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