Séries Mania : interview avec Morgane Le Moine de blackpills et les réalisateurs de First Love, Jonathan Cohen-Berry et Anthony Jorge

Le festival Séries Mania s’est achevé samedi dernier (nous vous avons fait un bilan ici). A cette occasion, la série franco-américaine First Love a été plébiscitée en recevant le prix du jury dans la compétition formats courts.

First Love a été créée et écrite par Adi Tishrai, réalisée par Jonathan Cohen-Berry et Anthony Jorge, produite par blackpills, CG Cinéma International et Barnstormer Productions.

Au cours de cette première édition lilloise du festival, nous avons eu la chance de rencontrer Morgane Le Moine de blackpills ainsi que les deux réalisateurs de la série First Love : Jonathan Cohen-Berry et Anthony Jorge.

 

Pouvez-vous dans un premier temps décrire la série en quelques mots ?

Anthony Jorge : C’est l’histoire d’une rencontre entre Mercedes, cette très jeune adolescente, petite fille de 10-12 ans, et Zach, dix-sept ans, un nouvel arrivé dans cette ville, qu’on découvre avoir une attirance pour les filles plus jeunes. Donc, c’est l’histoire de leur relation et d’une fuite des deux.

Jonathan Cohen-Berry : C’est une série qui traite d’un sujet qu’on a très peu vu, voire jamais vu : l’attirance pour les enfants chez les adolescents. On parle d’un jeune homme qui vit ce problème et qui rencontre une jeune fille qui tombe amoureuse de lui.

 

Pourquoi avoir choisi ce thème de la pédophilie ?

Jonathan Cohen-Berry : Nous ne sommes pas à l’origine de ce projet, c’était l’auteure israélienne, Adi Tishrai.

Morgane Le Moine : Elle avait écouté une émission de radio où il y avait un garçon de 17 ans qui parlait de groupe de rencontres de pédophiles qui discutaient pour essayer de s’entraider et sortir du problème. Elle était rentrée en contact avec ce garçon qu’elle avait entendu à la radio et elle a communiqué avec lui pendant assez longtemps, uniquement par mail avec juste son pseudo. C’est ainsi qu’elle a approché la question. C’était il y a des années et c’est revenu dans un test d’entrée qu’elle a fait pour une room d’auteurs avec blackpills.

Anthony Jorge : C’est de cette manière que l’histoire est née et pourquoi c’est là. Quand on nous l’a présenté, on avait l’impression que c’était un sujet à la fois passionnant et méconnu, qu’on n’avait jamais vu et on avait l’impression qu’on pouvait amener un éclairage. C’est génial quand vous avez une histoire qui est pleine de tension et qu’en plus vous pouvez apporter un éclairage sur un problème que peu de gens, en tout cas nous, ne connaissions pas. Tout était réuni pour avoir envie de faire cette série.

 

Pourquoi le titre First Love, que représente-il ?

Jonathan Cohen-Berry : First Love c’est surtout du point de vue de la jeune fille qui tombe vraiment amoureuse du personnage, comme beaucoup de jeunes filles peuvent tomber amoureuses de quelqu’un de plus âgé. On a des plus petites sœurs qui étaient amoureuses de nos copains quand on était au lycée. C’est un personnage très seul, sa mère est partie, elle vit juste avec son grand frère qui la martyrise et son père qui n’a pas l’air d’être très présent. Elle tombe amoureuse de manière très naïve, comme une jeune fille de son âge, de ce nouveau personnage mystérieux qui arrive, qui a l’air un peu seul aussi.
Ce titre fait plus écho à son premier amour à elle. Toute la question est : de son côté, est-ce que c’est juste de la maladie ou est-ce qu’il y a aussi de l’amour ? Est-ce que c’est aussi son premier amour ? C’est à chacun de juger.

 

Est-ce que la série présente un point de vue par rapport à ce jeune homme qui est pédophile ou est-ce qu’il s’agit plus de nuancer le fait que tout n’est pas tout noir ou tout blanc ?

Jonathan Cohen-Berry : Exactement, c’est l’approche. Le pédophile dans la tête de tout le monde, c’est le mal absolu. Le fait que cela touche des adolescents qui découvrent ce problème très tôt et qui sont seuls face à cela, c’est quelque chose qui nous a quand même touché. Ils n’ont personne à qui en parler parce que dire qu’on est pédophile à quelqu’un, c’est impossible. Ça nous intéressait de mettre en lumière un personnage avec ce problème, voir comment il vit, pour éveiller les consciences sur le fait qu’il faudrait peut-être mettre en place des choses pour qu’ils puissent avoir des gens vers qui se tourner, que ça ne soit pas quelque chose qui empire et qui puisse mener à des drames.
Il s’agissait vraiment de présenter ce problème sans le juger. On ne veut pas donner un avis. On veut juste montrer toute la nuance, toute la complexité du problème. C’est déjà ce qu’on essaie de faire dans les quatre premiers épisodes où, à chaque fois, on part dans de l’amour mais ensuite on revient dans le problème. C’est sur cette ligne qu’on veut jouer pour montrer la complexité du problème que vit l’adolescent. À cet âge-là, ce n’est pas encore clair pour lui alors que, peut-être, j’imagine que des pédophiles plus âgés, vivent depuis des années avec cela et savent de quoi il s’agit. À cet âge-là, les adolescents sont perdus.

 

Comment on monte une série qui traite d’un sujet tabou ou du moins difficile comme celui-ci ? Comment on le présente au producteur et au diffuseur ?

Morgane Le Moine : Pour l’auteure, on a organisé une room d’auteurs en Israël avec six auteurs. On avait fait passer une sélection avec des tests à des dizaines d’auteurs là-bas. Adi Tishrai était venue avec ce projet qui s’appelait à l’origine Zach et Mercedes et où il n’y avait pas de procès à ce moment-là, c’était juste une fuite de deux adolescents. C’était un projet de deux pages, elle a été prise sur cette base-là. Ensuite on a demandé aux six auteurs de la room de nous proposer 50 pitchs et on devait sélectionner six projets parmi 50, c’est le pitch de ce projet-là qui a été retenu. Je ne pense pas qu’on l’aurait choisi sur pitch mais, comme on avait lu son test d’entrée, on a décidé de lui donner une chance. Et comme c’était une espèce d’incubateur de projets, on pouvait prendre ce risque qu’on n’aurait pas forcément pris si un auteur était juste venu avec un projet. Là on avait le temps de développer et de voir ce vers quoi cela allait.

Anthony Jorge : Le fait que le sujet vienne de la plateforme a facilité le fait de mettre à jour un projet compliqué. C’est probablement plus difficile quand un auteur seul veut aller présenter à une chaîne un sujet si complexe. Là, le fait que ce soit blackpills qui est à l’origine de cette histoire et qu’il voulait avoir ce courage de présenter ce genre de série, c’est ce qui fait que ce type de projet puisse naître.

 

Comment avez-vous choisi les deux acteurs Jance Enslin et Cleo Fraser pour incarner ces deux personnages ?

Jonathan Cohen-Berry : On avait une directrice de casting à Los Angeles qui avait beaucoup d’expérience et qui était bien installée à Hollywood. C’est elle qui nous a présenté les acteurs. C’était très long à cause du sujet pour trouver la jeune fille ou même pour trouver le garçon, incarner un pédophile, ce n’est pas évident.

Anthony Jorge : Ce sont des jeunes acteurs. Pour lui, il fallait assumer ce rôle, c’est son premier rôle principal.

Jonathan Cohen-Berry : Pour la petite fille, c’était compliqué parce que tous les parents ne voulaient pas que leur fille joue dans quelque chose comme cela, c’est dur. Ils ne savaient pas trop comment cela allait être géré et c’est aussi un rôle difficile. C’était plus difficile de trouver la jeune fille parce qu’il fallait qu’elle soit à la croisée de plein de choses. Il fallait que les parents acceptent, qu’elle ait un côté très enfant, qu’elle soit à la limite de passer à l’adolescence et qu’elle ait ce dynamisme, cette fraîcheur et cette manière d’improviser qui nous tient à coeur pour donner de l’authenticité à la série. C’était assez complexe, c’était vraiment les deux rôles pour lesquels on a eu le plus de mal. Après, pour les autres personnages, c’était un peu plus simple, la recherche d’acteurs s’est faite par les relations de cette directrice de casting.

Anthony Jorge : Cela a été un sujet complexe pour ces deux personnages comme Jonathan l’a dit. Pour elle, il fallait qu’on trouve le personnage hyper juste, qui était enfantine, énergique, solaire, sans être lolita. C’était ce qu’on visait. Et pour lui, on en a discuté longuement parce qu’il fallait trouver la bonne personne. Dans ce personnage, on voyait depuis le début quelqu’un d’assez incertain, dont on sent les sentiment mais qui est uniquement expressif par touches, des petits regards, mais quand même habité par quelque chose. C’est vraiment un personnage introverti mais qui est quand même très sensible. Après, on a eu des débats sur ce personnage qui aurait pu être différent comme : est-ce qu’il fallait qu’il soit un peu plus prédateur ? Jance est passé une première fois mais on n’a pas été saisi car il était venu pour un autre rôle. Quand on est repassé dessus, on a vu qu’il avait ce truc, même dans la vie, il ne regarde pas forcément dans les yeux, il va regarder ailleurs. En même temps, il éveille quelque chose. On a choisi Jance sur ces caractéristiques là.

 

D’autre part, vous avez réalisé des clips musicaux et commerciaux en tant que Truman & Cooper. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans First Love et dans une série ?

Jonathan Cohen-Berry : De manière générale, on veut faire de la fiction depuis le début. Les clips, c’était une première manière d’en faire et de s’entrainer, de découvrir. Après les clips musicaux, on nous a demandé pour faire des clips commerciaux. Pareillement, cela nous a appris à nous entrainer à la technique. Et, en parallèle, depuis le début, on avait écrit des scénarii de courts-métrages, on avait commencé à développer des idées de longs-métrages, on avait même proposé des séries et rien ne s’était concrétisé. Quand blackpills nous a approché avec First Love, la série réunissait tous les thèmes qu’on aborde et notamment l’adolescence et quelque chose qui est au coeur de notre travail : des personnages avec des émotions intenses. C’était une des aspects forts dans ce projet, qui fait que ça marchait vraiment bien. On ne pouvait pas rêver mieux qu’avoir carte blanche sur quelque chose qui correspondait si bien à notre univers.

Anthony Jorge : J’ai l’impression que ce genre de projet de 10 x 10 minutes donne plus de chance à des gens comme nous qui veulent démarrer. blackpills et CG Cinema nous ont fait énormément confiance en nous jugeant à travers des clips et des micro films. On n’a aucune expérience en effet de fiction. C’est pas facile pour les deux d’avoir pu prendre ce risque, surtout sur un sujet si sensible.

Morgane Le Moine : Mais, en même temps, on pouvait voir déjà dans leurs clips qu’ils étaient des directeurs d’acteurs.

Jonathan Cohen-Berry : Vu que c’est là qu’on veut aller, on donnait dans nos clips une dimension de court-métrage narratif.

 

Quand on regarde vos clips on retrouve cette identité visuelle : les séquences sur la route, les plans sur les visages très rapprochés, l’importance des regards… Et vous avez traité de thème sensible, comme lors d’un clip commercial sur les violences domestiques. Et ce format assez court vous convient bien aussi, vous arrivez à être très efficace sur un format très court dans ces clips.

Jonathan Cohen-Berry : C’est une bonne transition vers la fiction. La série se rapproche un peu des clips tout en amenant une dimension plus longue car c’est une histoire qu’on développe sur 1h40 au final.

Anthony Jorge : C’est vrai qu’il y a une dimension d’efficacité où il faut être efficace en dix minutes. Dans un clip, il faut être efficace en trois minutes. On a appris cette gestion du rythme à travers nos clips. C’est ce qui a pu servir ce format.

 

Les deux premiers épisodes de First Love ont été projetés en première mondiale à Séries Mania dans le cadre de la compétition formats courts. La série sera disponible à la rentrée 2018 sur l’application blackpills.

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1 commentaire

zaza

le 5 janvier 2021 à 23h15

Bonjour je viens de découvrir la série mais je ne sais pas trop comment faire pour la voir en entier