Entretien exclusif avec Nicolas Gob (L’Art du Crime)

Son nom vous parle, son visage vous semble familier… et pour cause : Nicolas Gob est présent sur nos petits écrans depuis déjà une dizaine d’années ! Que ce soit dans Les Bleus de 2006 à 2010, Merci, les enfants vont bien l’année suivante, puis Un Village Français entre 2009 et 2016 ou encore Chefs en 2015 et Le Chalet en 2017, sans oublier de nombreux téléfilms, il a su s’imposer comme une valeur sûre du paysage audiovisuel français. Aujourd’hui, il nous parle de la troisième saison de L’Art du Crime actuellement en cours de diffusion sur France 2 et se confie sur sa carrière. Entretien avec un acteur charismatique et sympathique.

 

Après deux saisons de 6 épisodes de 50 minutes, L’Art du Crime revient cette année sous un format différent (2 x 90′). Pourquoi ce choix ?
Au départ, j’étais relativement sceptique quant au changement de format, je n’en comprenais pas l’intérêt. Il s’avère qu’en fin de compte, c’est un choix très judicieux qui a été initié par Anne Holmes (directrice de la fiction de France Télévisions, ndlr). Elle a soumis cette idée que tout le monde a prise à bras le corps, confirmant que c’était un bon choix. Ainsi, ce nouveau format tend à resserrer l’intrigue et à rendre l’histoire plus efficace. Cela évite le faux cliffhanger que nous avions généralement en fin d’épisode qui indiffère souvent les gens. Je dis « faux » car on sait pertinemment que les personnages ne vont pas mourir ! Par conséquent, ce format englobe désormais tout le propos au lieu de le saccader, et ce qui est sympathique, c’est que L’Art du Crime reste tout de même assez complexe, il faut suivre l’intrigue attentivement. Donc je dirais que ce nouveau format rend la série plus efficace et lui donne un côté plus « classieux » qu’elle mérite.

 

L’art est l’identité propre de la série. Est-ce qu’en acceptant le projet, tu imaginais que mêler fiction et histoire de l’art séduirait autant au public ?
Très honnêtement, je ne me suis pas posé la question sous cet angle. Je me suis dit que cela plairait au public vu l’efficacité des scénarios d’épisodes que l’on avait eu à lire. Il y a une certaine évidence quand on lit ce genre de projet où l’on se dit que c’est efficace et que normalement sur le papier, ça devrait fonctionner ! L’idée d’allier l’art et tout ce que ça comporte remplit aussi la demande du service public avec d’un coté la culture, de l’autre la ville de Paris où l’on peut voir des monuments emblématiques -bien que l’on n’ait pas toujours été dans Paris mais en l’occurrence maintenant oui, mais aussi avec le polar, dont les codes fonctionnent toujours… Et c’est en ça que je me suis dit que ça pouvait marcher et plaire au public.

 

Comme dans beaucoup de séries policières, L’art du crime fonctionne aussi grâce à la dynamique du duo formé par Éléonore (Gosset-Bernheim, ndlr) et toi. Selon toi, pourquoi ce duo plaît-il ?
Parce que c’est un code efficace qui marche depuis la nuit des temps… Le duo chien et chat, c’est comme dans La Chèvre avec Pierre Richard et Gérard Depardieu. Au-delà de ce code acté qui fonctionne, il y a une évidence entre Éléonore et moi qui s’est installée tout de suite. L’efficacité du duo se traduit aussi par l’entente que l’on a naturellement dans la vie. Dès l’écriture, c’était bel et bien défini comme cela, et notre alchimie alimente la complicité du duo. D’ailleurs, cela prend de plus en plus de place et les auteurs écrivent désormais en fonction de ça aussi et c’est vraiment cool.

 

Beaucoup de ces duos de séries policières finissent ensemble. Sans en dire trop, est-ce que tu souhaiterais une telle fin pour ton personnage ? Ou cela te semble trop cliché ?
C’est parfois bien de passer par ces clichés parce que les gens les attendent et aimeraient bien que cela se termine comme ça. C’est tout l’intérêt de l’ambivalence de ce duo : on se demande quand ils vont finir ensemble puisque généralement, ce scénario n’est offert aux téléspectateurs qu’au dernier moment… ou jamais ! C’est ce mécanisme de « clair de lune » que les auteurs adorent. Ils prennent plaisir à jouer avec, encore une fois, ce code vieux comme le monde mais qui marche toujours. On donne, mais par petites touches. Pour le moment, ça transparaît dans des rêves qu’ils font l’un et l’autre et il s’avère qu’ils arrivent enfin à se dire qu’ils s’apprécient -surtout le personnage de Florence. Ça vient petit à petit mais il faut d’abord tirer les rênes dessus un maximum. Je pense que cela serait moins cliché que ça se passe à un moment puis que ça se rétracte -donner par petite touche et le reprendre tout de suite- que de ne jamais y aller. Parce que les gens vont s’impatienter.

 

Tu as joué dans Meurtres à Belle-Ile pour la collection de téléfilms de France 3 qui a été diffusé ce samedi 26 octobre et qui a fini en tête des audiences devant toutes les autres chaînes (lien vers le replay ici). Peux-tu nous en dire un mot ? 
C’est toujours intéressant de rentrer dans un schéma, une collection déjà existante : ça fonctionne d’abord parce que ce sont des « Meurtres à… » qui remplissent des codes bien précis et qui sont déjà bien installés. Ne tient qu’à nous d’essayer de faire un peu mieux en poussant les curseurs pour aller plus loin par rapport à cette base. Je pense qu’on a réussi à faire quelque chose de bien, on le sentait déjà sur le tournage et ce qui est intéressant, c’est que les chiffres parlent d’eux-mêmes (4,3 millions de téléspectateurs, ndlr). On s’est vraiment donné les moyens pour se poser les bonnes questions au bon moment. Donc bon souvenir, bonne expérience, avec évidemment Charlotte (de Turckheim, le rôle principal féminin, ndlr) que j’ai retrouvée avec plaisir et avec tous les autres, dont Marwen (Abdallah, le réalisateur, ndlr) qui a su insuffler une ambiance positive de travail à tout le monde. C’est toujours chouette de sentir qu’il y a un résultat porté par de la bienveillance, de la sympathie et de la simplicité.

Tu joues aussi bien dans des films, que des séries ou des téléfilms. As-tu une préférence ou choisis-tu un tournage par rapport au rôle proposé et non au format ? 
Je ne choisis pas du tout par rapport au format parce que j’ai toujours tendance à dire que c’est la télé qui m’a fait et que j’y retournerais toujours. Je choisis beaucoup à l’instinct, au feeling. Quand je rencontre un réalisateur et qu’il explique son projet, d’un coup il y a une certaine évidence, tout s’imbrique bien. Et évidemment, je choisis par rapport aux rôles. Pour le moment, on a tendance à me dire que je joue beaucoup de flics, et moi j’ai tendance à répondre que ce sont surtout des rôles à part entière, ce n’est pas parce qu’ils sont flics qu’ils sont tous définis pareil ! Le travail est différent à chaque fois. Par exemple, sur Meurtres à Belle-Ile avec Marwen, on a vraiment essayé d’aller ailleurs (Nicolas y campe un flic charmeur qui drague la principale témoin du meurtre, ndlr) et la comparaison est toute faite : entre un Antoine Verlay (L’Art du Crime) et un Thomas Keller (Meurtres à Belle-Ile), hormis le fait qu’ils soient tous les deux chauves, ils n’ont rien en commun ! Donc tant que je réussis à me réinventer de cette façon, jouer un flic ne me dérange pas. Mais si c’est pour jouer des flics qui n’ont pas d’âme, dans ce cas je me poserais la question. On me propose des flics, certes, mais qui sont tous complètement différents, et pour l’instant ça me va !

 

Y a-t-il une facette du jeu d’acteur que tu n’as pas encore pu travailler mais que tu aimerais tenter ?
C’est une très bonne question, que je me pose d’ailleurs en ce moment ! De par mon physique, on aurait tendance à me donner des rôles très virils et masculins mais en fait, j’aimerais davantage jouer des personnages de la vie quotidienne, comme un père de famille par exemple. Un rôle qui demande des sentiments bruts et profonds que j’adore interpréter mais qu’on ne me donne peut-être pas encore assez et dans lesquels je me retrouverais bien.

 

Donc plus dans la sensibilité ?
Oui car c’est quelque chose que j’adore explorer et quand on me donne la chance de le faire, ça marche pour moi, même si c’est moins évident pour les personnes qui m’engagent. Mais tout n’est qu’une question de timing : plus on vieillit, plus on prend de la maturité et plus on se dirige vers ce genre de rôles et les possibilités s’ouvrent.

 

Est-ce que tu as un projet idéal ?
Réaliser mon film serait vraiment le projet que j’ai en tête depuis des années et vers lequel je tends. J’aimerais beaucoup retravailler avec Marwen dessus par exemple. C’est dans la veine de ce que j’aimerais faire en ce moment par dessus tout et j’aimerais me concentrer là-dessus. Ça nous ramène à la question précédente : ce que j’aimerais jouer rassemblera toute la finesse de jeu que je pourrais peut-être dégager. Parfois, certains rôles deviennent plus « évidents », dans le sens où on me donne des personnages dans lesquels je suis à l’aise donc c’est peut-être davantage une mise en danger qu’il me manque !

 

Pas de rêve américain alors ?
C’est un rêve très lointain qui serait dans le même esprit que gagner au loto ! Si jamais on m’appelait pour le faire, ça me ferait évidemment très plaisir mais il y a encore tellement de choses à faire ici que je ne me pose pas encore la question.

 

Et le théâtre ?
J’en ai fait beaucoup en Belgique par le biais de mon école quand j’étais plus jeune, il y a une quinzaine d’années. J’aimerais beaucoup y revenir et ce sera normalement le cas en 2020 avec un réalisateur qui s’appelle Denis Malleval qui va mettre en scène une pièce pour la première fois et qui est intitulée « La fille d’en face« . J’ai accepté parce qu’il s’agit de théâtre contemporain et ça me parle. Le théâtre projeté et déclamé avec une certaine diction et un certain rythme me parle moins… Je vais peut-être me faire taper sur les doigts en disant ça mais personnellement, ça me dessine un truc vieillot qui ne m’inspire pas beaucoup… Après, peut-être que je me trompe complètement et que du coup, j’adorerais y revenir, mais en tout cas, ça me fait vraiment plaisir de faire une pièce contemporaine dans laquelle je me sente à l’aise. Donc le théâtre, oui, j’en ai très envie et oui, je vais le faire.

 

Tu enchaînes les tournages depuis 2015 (Un Village Français, Chefs, Le Chalet, etc.) mais 2019 a été ton année puisqu’on te voit un peu partout et tu es en train de te faire un nom. Qu’est-ce que ça te fait d’avoir cette récompense de travail et cette reconnaissance du public ?
Je ne m’en rends pas bien compte parce que j’ai 37 ans et j’ai l’impression d’être déjà un « vieux de la vieille » vu que je fais ce métier depuis 20 ans. Avant 2015, il y a eu Les Bleus, Merci les enfants vont bien, mais aussi plusieurs téléfilms… On a toujours tendance à reconnaître le travail de quelqu’un quand c’est acté dans la tête de tout le monde alors que pour moi, c’est acté depuis bien plus longtemps. Par exemple, si on parle d’Un Village Français, j’ai peut-être fait 30 projets avant qui n’auront pas eu autant d’impact mais pour ma carrière, c’est une continuité et non pas une sorte de démarrage en flèche qui commence seulement maintenant. Au-delà de ça, plus j’ai de rôles, plus je deviens anxieux et plus j’ai peur que tout s’arrête ! C’est un doux mélange entre être partout -car mon but principal est de travailler donc il est difficile de refuser des projets, je dis rarement non, sauf si vraiment je ne le sens pas mais je trouve toujours quelque chose à défendre, un propos qui me plaît et j’ai envie de tout faire- mais d’un autre côté, il faut veiller à ne pas lasser le public et ne pas être omniprésent tout le temps.

 

Donc le fait que l’on t’ait vu deux soirs de suite (vendredi 25 octobre pour L’art du Crime et le lendemain dans Meurtres à Belle-Ile, ndlr) … ?
Cela a tendance à m’inquiéter ! En plus, il y a quelques semaines, j’étais aussi sur les écrans un weekend complet… (La Promesse de l’Eau le vendredi 30 août et Le Pont des Oubliés le lendemain, ndlr)

 

Pourtant tu as un grand capital sympathie auprès des téléspectateurs, sur les réseaux sociaux notamment…
Ça, bien sûr, c’est super ! Mais c’est le regard du public. Il faut distinguer les gens du métier et les téléspectateurs. Les premiers font, les seconds regardent. Les téléspectateurs sont dans le désir de te voir, mais pour les gens du métier, il faut créer un désir spécifique sur chaque projet et non sur toute une carrière.

 

Peut-on revenir sur ton expérience sur Le Chalet ? La série avait été remontée suite à une première projection au Festival de La Rochelle. Sais-tu ce qui a été remanié ?
Le Chalet est issu d’une réalisatrice-scénariste-monteuse de talent, Camille Bordes-Resnais, qui arrive avec des codes très cinématographiques sur cette série. Elle avait la volonté d’installer un climat anxiogène avec de vrais paysages, avec une certaine lenteur qui crée du suspense. Depuis que la série est sur Netflix, les retours à l’international sont élogieux quant à ces codes cinématographiques, tandis qu’en France les avis ont été plus mitigés, d’où le remaniement. Le parti pris de ne pas donner des explications claires sur les meurtres n’appartient pas aux codes français, alors que cette vision abstraite a plu à l’international. La première version était plus lente, plus étrange, dans le sens où l’on voyait des personnages sortir d’un endroit et marcher tandis que la caméra les suivait de dos par exemple. Il y avait de très bonnes idées sur ce projet que je trouvais intéressant et surtout, j’ai adoré jouer le personnage de Sébastien, totalement décalé, qui offrait une large palette de composition que je me suis éclaté à faire !

 

Quels sont tes projets ?
La saison 4 de L’Art du Crime j’espère ! Les auteurs planchent déjà sur des idées, à voir maintenant si ce sera renouvelé. Ce qui est sûr, c’est la suite des Crevettes Pailletées. Préparer un second volet pourrait inquiéter les spectateurs qui n’en verraient pas l’utilité mais je pense que, vu l’irrévérence vers laquelle les auteurs veulent aller, cela peut donner un très bon résultat. C’est toujours le but quand on prépare une suite de vouloir faire un film meilleur que le premier et l’équipe s’attelle vraiment à ça.

 

Tu viens de fêter ton anniversaire, que peut-on te souhaiter pour cette nouvelle année ?
De faire mon film ! Ou plutôt de faire un film avec Marwen, comme je disais tout à l’heure.

 

Pour le cinéma ?
Non, plutôt un téléfilm. J’aimerais que le premier projet dont je sois à l’idée originale soit destiné à la télévision. Ce serait bien rendre ce que l’on m’a donné.

 

Le premier épisode de la saison 3 de l’Art du Crime est disponible en replay ici. Le second sera diffusé ce vendredi 1er novembre à 21h sur France 2.

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