Double Je : rencontre avec l’équipe de la série lors du festival Séries Mania

C’est à l’occasion du festival consacré aux séries à Lille que nous avons eu l’opportunité de rencontrer l’équipe de la série France 2 Double Je. Étaient présent.e.s la showrunneuse de la série, Camille Pouzol, Stéphane Drouet, scénariste, mais aussi Carol Weyers qui prête ses traits au personnage principal de la série, Déa, ainsi qu’Ambroise Michel qui incarne Matthieu Belcourt.

Disclaimer : l’interview qui suit a été réalisée en table ronde, en présence de plusieurs autres journalistes. Toutes les questions ne proviennent pas de notre média. De même, les idées avancées ci-dessous ne sauraient être affiliées à Just About TV.

Comment vous est née l’idée de ce duo inhabituel entre cette femme flic et son ami imaginaire ?
Stéphane Drouet :
Alors ça c’est une idée que j’ai eu, j’avais envie de faire une série policière parce que c’est un genre que j’aime beaucoup et qu’on avait déjà exploré sur une autre série qui s’appelle Chériff, et j’avais envie de faire une nouvelle série mais différente et j’avais des références dans ma tête de séries de genre qui mélangent le décalé, le merveilleux et l’imaginaire, et je me suis dit « tiens et qu’est ce qui se passerait si une flic était assez barrée pour encore avoir son ami imaginaire à 40 ans et qui est là avec elle depuis qu’elle est toute petite, et si il s’appelait même Jimmy et que ce soit une sorte de version compensée de Jiminy Cricket ». A partir de là est né l’envie de raconter l’histoire de cette Capitaine de police, très particulière, et j’ai confié à Camille qui a supervisé toute l’écriture, de raconter cette histoire.
Camille Pouzol : Moi ce qui m’a plu avant tout c’est le lien à l’enfance et au merveilleux. Ça fait partie des raisons pour lesquelles j’ai voulu écrire toute ma vie, j’ai un gros problème avec la réalité, je la déteste, je la trouve trop dure, donc moi j’ai toujours voulu partir loin, j’ai jamais rêvé de voler, ou d’être invisible, enfin si peut-être un peu mais pas plus que d’être patineuse artistique en fait, j’ai compris que fermer les yeux c’est un pouvoir inouïe. C’est l’imaginaire, c’est un pouvoir inouïe. Et les adultes l’ont pas. Et ce que j’aime chez Déa c’est ça. Elle est pas folle, c’est pas un bébé, c’est une femme accomplie, c’est une bonne maman, c’est une super flic, mais elle a un lien un petit peu comme une hotline avec son enfant qui est en elle. Et les adultes qui ont ça, ça se voit tout de suite, ils sont pleins, mais dans leurs yeux tu vois très bien quel genre de môme ils ont pu être et voilà, moi j’adore ça, et aussi que l’ami imaginaire et sa relation avec Déa repose sur quelque chose d’ordre un peu profond, qu’on apprend au fur et à mesure des épisodes. J’avais pas envie qu’on se dise « Ouais elle a un ami imaginaire, tiens, voilà c’est comme ça ». Non. Ça apparaît pour une raison et ça reste pour une raison à l’âge adulte. Il y a une faille sous cette femme il y a aussi beaucoup de fragilité, il y a un très gros choc émotionnel à l’enfance, un des plus gros qu’on puisse avoir je pense.

La mère n’est pas là déjà visiblement ?
Camille Pouzol :
Oui mais pourquoi, comment… Oui en effet, il y a un problème avec sa maman c’est sûr, et la psychiatre qui a travaillé avec nous quand j’ai dit « Il y a un problème avec sa mère », elle m’a dit en riant « Comme tout le monde » (rire). C’est un gros gouffre, et ça m’intéresse. Pour moi c’est super important qu’il n’y ait pas de choses complètement gratuites genre « Oh trop rigolo elle a un ami imaginaire ». Trop rigolo oui et on s’en sert, c’est pas du tout une série triste, mais j’aime bien que le fondement parle à tout le monde et ça reste une protection un ami imaginaire. Ça reste quelqu’un qui vous protège de quelque chose et c’est ça qui m’a beaucoup touchée.

Vous travaillez avec un psychologue vous avez dit ?
Camille Pouzol :
Elle est psychanalyste et psychiatre. Voilà. Elle s’appelle Elizabeth Martins. Ça l’a fait beaucoup rire quand je lui ait dit « C’est un peu bizarre qu’à 40 ans… » elle m’a répondu « Ah non c’est pas bizarre du tout non ». Elle m’a dit qu’elle avait pleins de cas comme ça. Elle m’a dit « Moi je commence à m’inquiéter quand les gens m’expliquent que la personne existe vraiment ». Elle m’a dit que du moment que Déa était consciente, au contraire elle est équilibrée. Mais c’est vrai que que j’ai adoré le fait que ce soit elle qui m’ait donné plus de liberté que moi je ne m’en donnais. C’est grâce à elle que j’ai libéré l’écriture. Elle me disait « Olala mais tu te poses un nombre de questions… lâches toi quoi ».
Stéphane Drouet : La preuve c’est que dans la série tu ne le traites pas du tout comme un truc pathologique.
Camille Pouzol : Parce que ce n’est pas une pathologie. Pour donner un exemple connu de série, le personnage jouer par Chloé Saint-laurent, il est identifié comme schizophrène, le personnage joué par Marc Lavoine sur France 2 il est identifié comme schizophrène à personnalité multiple, ce sont des pathologies, il y a des médicaments pour ça, c’est très grave, et c’est pas très amusant à vivre, et on est dans le domaine de la psychiatrie. Déa n’est pas le domaine de la psychiatrie elle a juste un imaginaire très développé ce qui est un compliment jusqu’à 12 ans (rire).

Des ami.e.s imaginaires vous en avez ou en aviez ?
Carol Weyers :
Moi j’en ai jamais eu d’ami imaginaire… En tous cas je m’en souviens pas. Mais j’ai toujours eu beaucoup d’imagination en tous cas. je m’amuse beaucoup avec mon imagination et je la laisse voguer là où elle m’emmène. Mais je ne me souviens pas d’un ami imaginaire.
Ambroise Michel : Ami non ou alors j’en ai vraiment beaucoup. Non des gens dans ma tête il y en a quelques uns… Il y a un DJ qui me met de la musique tout le temps, il y a un blagueur qui lance des blagues même quand je lui ordonne de ne rien dire (rire). Non mais nous sommes tous habités par plein de personnalités. Mais heureusement on se soigne.
Camille Pouzol : Il y a un truc mignon c’est que les enfants pigent le concept de cette série en deux secondes. Alors que les adultes parfois faut
leur expliquer plus longtemps. Mes propres parents j’ai mis 25 minutes pour leur expliquer ce que j’allais faire. Alors que les mômes on a fait un casting parce qu’on avait besoin d’enfants, et on leur parle un peu comme à des enfants on leur explique et ils te répondent « Ouais ouais je vois j’en ai trois » (rire). C’est génial. Il y a un truc chez les mômes qui est trop puissant quoi. Ils sont tellement plus couillus que nous, originaux…J

C’est assez rare à ma connaissance, mais il m’a semblé que dès le premier épisode le feuilletonnant prévalait sur les intrigues policières. J’ai trouvé ça intéressant car souvent c’est l’inverse. Une série policière et petit à petit on apprend à connaître les personnages, d’épisode en épisode ou même de saison en saison on en sait plus sur ces personnages et là, on a d’abord les personnages et ensuite les intrigues policières qui finalement sont juste un cadre, elle aurait pu être avocate par exemple…
Camille Pouzol :
Je trouve pas non. Je suis pas d’accord que les intrigues policières sont un prétexte, mais je suis d’accord que ce qui m’intéresse avant tout c’est l’humain. Et quand on y réfléchit il y a tellement d’humain dans un meurtre. Je trouve qu’il y a un truc ludique déjà dans un meurtre. Bon c’est horrible à dire, une personne est morte, c’est pas drôle hein, mais trouver qui l’a fait… On a essayé de chercher des enquêtes assez ludiques. Ou alors, dans le deuxième, moi ça me touche plus, ce sont de grandes histoires parce que qui dit meurtre dit couple, victime, mobile et histoire forcément, parce qu’on est pas sur des serial killers ou sur des gens qui ne sont que dans la violence et dans l’horreur. Malheureusement ça existe beaucoup mais ce n’est pas du tout la tonalité de la série, alors qu’on est dans le drame humain. Quand on écrit on ne peut pas ne pas aimer ça. C’est à dire qu’on est dans la vengeance, la passion, la perte de contrôle…

Les deux personnages principaux se tournent autour assez vite, il n’y a pas tout la danse de charme…
Ambroise Michel :
Ils n’ont même pas le temps de se tourner autour c’est ça qui est fou ! Ils se tournent pas autour ils sont là, ils s’agacent, et fait elle, elle a bu, lui il a pas bu, et ils couchent ensemble et le lendemain c’est genre « on aurait jamais dû ». Et ils se plaisent quand même. D’ailleurs est-ce qu’ils se plaisent pas plus parce qu’ils ont couché ensemble ? Qu’ils ont vécu un moment d’intimité, il y a plein de questions qui se posent, comme dans la vie en fait, parce que c’est quand même plus réel que d’avoir une espèce de romance qui dure comme on a déjà vu, c’est ancré dans la vie quoi, ça arrive, on se rencontre, on couche ensemble, sauf que eux ils sont obligés de bosser ensemble.
Camille Pouzol : Oui bah ça arrive, j’avais envie de ça parce que je trouve ça très réaliste en fait. Après voilà moi j’ai pris le parti de me dire que ça s’est super bien passé évidemment si ça avait été une catastrophe dans cette voiture il n’y avait plus de série hein (rire). C’est pas du tout choquant pour moi, mais je trouve que le désir n’est pas très abordé en fiction. Il y a un peu peur du côté sexuel de la chose, du désir quoi, et le désir c’est un sentiment, c’est une puissance absolue pour moi. En fait on nous vend tout de suite l’amour, tout de suite. Quand on regarde une série, ils se rencontrent on a l’impression que ça fait deux heures et ils sont fous amoureux les mecs. J’ai beaucoup de respect pour l’amour hein, c’est pas du tout ce que je suis en train de dire. C’est simplement que moi, ce que j’ai eu envie de raconter au début, c’est pas de l’amour. On va pas dire qu’au bout d’un épisode ils sont amoureux. C’est une pulsion, qui va devenir quelque chose. C’est hyper fort, on va pas dire que c’est rien.

Carole vous avez peu joué en France ?
Carole Weyers :
Non c’est mon premier projet en France. Je suis originaire de Belgique, c’est là que j’ai étudié, puis après je me suis expatriée à Londres où j’ai étudié aussi, puis je suis partie à Los Angeles. J’ai un amour pour la langue anglaise que je n’avais peut-être pas avant pour la langue française mais que j’ai retrouvé en jouant avec les mots que Camille a écrits, parce qu’elle écrit très très bien. A début j’ai eu très peur d’accepter ce projet parce que je me disais que ça faisait 12 ans que j’avais plus travaillé en français, et c’est très rapide. C’est très construit tout en étant très naturel, très réel. Et au final il fallait juste se lancer, être couillu comme Déa et ça s’est très bien passé au final.

On est venu vous proposer le rôle ?
Carole Weyers :
Non puisque je n’existais pas en France (rire). J’ai envoyé une safetape depuis Los Angeles.
Camille Pouzol : C’est la directrice de casting Bénédicte Guillaume, qui est fabuleuse, qui a trouvé énormément d’acteurs fabuleux sur ce projet. On a ramé pour Déa, vraiment. C’était pas simple. J’y étais pour beaucoup je pense, j’étais très fermée, sur « Personne ne peut jouer ce personnage que j’adore, ça fait deux ans que je l’écris, ça n’existe pas, on y arrivera jamais… » tout dans la nuance comme d’habitude. C’est vrai que j’écoutais rien, je voulais voir personne, j’étais chiante c’est sûr, et Bénédicte qui est une fée et qui est merveilleuse, m’a dit « Je vais te la trouver ». Bah voilà. Je rêvais de quelqu’un de pas trop connu, là pour le coup on a eu une confiance absolue de la part de France 2.

En tant que comédiens, comment est-ce que vous avez intégré la « non connaissance » d’un troisième personnage dans la salle et pour Carol, comment avez-vous intégré ce personnage qui est absent au regard des autres ?
Carol Weyers :
Il faut essayer de voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, il ne faut pas être complètement vu en train de parler dans le vide.
Camille Pouzol : En même temps elle maîtrise ça Déa.
Carol Weyers : Oui ça fait 35 ans.
Ambroise Michel : Ce qui est rigolo c’est qu’on doit faire comme s’il n’existait pas donc il y a même des moments où on va se cogner dedans parce qu’on va faire abstraction, c’est toujours rigolo de se forcer aussi à ne pas écouter l’autre. Il est sans filtre et nous on ne doit pas avoir de réaction même infime. Ce qui était assez intéressant comme exercice c’est que ça permet de se focaliser d’avantage sur le partenaire. Quand je suis avec elle (Carol Weyers), je suis avec elle quoi. C’est une exercice qui est rigolo quoi.
Carol Weyers : Oui c’est très différent de ce qu’on connait.

Concernant Déa, on a l’impression qu’elle passe un peu au dessus de toutes les normes policières, elle oublie tout le temps son arme par exemple. Quelles questions vous vous êtes posées pour écrire ce personnage mais aussi pour l’interpréter ?
Carole Weyers :
Tout était vraiment dans l’écriture à la base, et après le rôle d’un comédien c’est aussi d’être un petit détective. On a un scénario devant nous et on va chercher les petits indices ici et là et après, tout ce à qui n’a pas de réponse on construit une histoire à travers ça. Il y a du détective et de l’imaginaire déjà dans le boulot. Après le personnage était déjà très très bien écrit et très complet à la base.
Carole Pouzol : Et en même temps il était libre et ouvert. Maintenant voilà moi je le dis tout le temps et ça peut paraître un peu bateau mais le plus beau moment pour un scénariste c’est quand il écrit un personnage et que le comédien l’emmène encore plus loin que vous auriez pu l’imaginer. Je suis très fière de la Déa que j’ai écrite, mais la Déa que Carol a faite, elle est 10.000 fois mieux, parce qu’elle est vive et parce qu’elle est inspirée de ce qui est écrit bien sûr il n’y a aucune trahison, je ne me sens trahie de rien. Aujourd’hui je ne vois personne d’autre et ça c’est le rêve.

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