De l’encre à l’écran – The ABC Murders (ABC contre Poirot)

Adaptées en films, unitaires ou séries depuis pourtant des décennies, les romans d’Agatha Christie connaissent une seconde jeunesse depuis 2015 sur la chaîne britannique BBC One. Jugez vous-mêmes : And Then They Were None (Les 10 petits nègres) et Partners in Crime (Associés contre le crime) cette année-là, The Witness for The Prosecution (Témoin à charge) en 2016, Ordeal by Innocence (Témoin indésirable) et The ABC Murders (ABC contre Poirot) en 2018, et le tout dernier en date, The Pale Horse (Le cheval pâle) en 2020.

Aujourd’hui nous nous penchons sur le cas de The ABC Murders, mini-série en trois épisodes écrite par Sarah Phelps et réalisée par Alex Gabassi, qui met en scène l’un des héros favoris de la romancière anglaise, Hercule Poirot. Bien que le détective privé ait eu droit à sa propre série éponyme de 1989 à 2013 sur ITV (souvent rediffusée chez nous sur TMC) avec David Suchet dans le rôle principal, l’adaptation de 2018 nous propose John Malkovich dans la peau du célèbre belge.

Voici notre dossier comparatif entre la version littéraire et son adaptation télévisée.

  • L’histoire
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Le célèbre Hercule Poirot a connu la gloire mais il est aujourd’hui délaissé par l’opinion publique. Lorsqu’il reçoit plusieurs lettres inquiétantes signées « ABC », il comprend qu’un drame est sur le point de se produire. Commence alors une série de meurtres dont le nom de chaque victime débute par les lettres de l’alphabet. Il fera équipe avec le jeune inspecteur Crome (Rupert Grint) afin d’arrêter ce mystérieux ABC…

  • Des dissonances majeures

Si vous vous attendez à une adaptation fidèle du livre, vous serez quelques peu déçus. En effet, la mini-série s’approprie l’histoire d’Agatha Christie pour en faire une toute nouvelle entité. Alors que la romancière met davantage l’accent sur le récit policier, de la profondeur est ici donnée aux personnages et à l’intrigue. La série se prend très -trop ?- au sérieux et aborde des sujets sombres, tels que le proxénétisme de la loueuse de Cust envers sa propre fille (Anya Chalotra), le trouble mental de Cust (Eamon Farren) ou plus sobrement la vieillesse (celle de Poirot sur laquelle joue ABC ou celle qui mène au décès de l’inspecteur Japp dès les premières minutes).

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La xénophobie est également abordée au travers de Poirot, représentant l’étranger dans toute sa splendeur et qui se retrouve persécuté, et surtout via la marche militante organisée dans le pays pour le peuple anglais par des partisans de l’extrême droite d’alors. Notre détective s’interroge par ailleurs sur le motif d’envoi des lettres du tueur à son attention : est-ce justement cette haine de l’étranger ou un autre dessein plus énigmatique ? On notera que le nombre de lettres est beaucoup plus conséquent dans la version télévisée que dans le livre : ici, ABC instaure une relation malsaine avec Poirot alors que dans le roman, il ne fait que l’informer de ses crimes, mais toujours avec le même dédain. C’est pourquoi l’on comprend rapidement que dans la série, les meurtres sont beaucoup plus personnels et liés à la vie du détective.

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Cependant, beaucoup de fausses notes dans cette adaptation : tout d’abord, on perd l’essence même de l’enquête à cause du rapport conflictuel entre l’inspecteur Crome et Poirot, pseudo-adversité qui n’a pas lieu d’être et qui n’existe pas dans le livre. En outre, la vie de Cust est bien plus développée et complexe que le personnage écrit par Agatha Christie, même si tout comme dans le roman, nous pensons sans hésitation suivre le point de vue du coupable. De plus, comme souvent dans les adaptations télévisées, le fidèle Capitaine Hastings (partenaire et meilleur ami de Poirot) n’est pas représenté, alors qu’il est le narrateur du roman ABC Contre Poirot et que tout est écrit de son point de vue !! Concernant les personnages secondaires, la situation de Megan, la sœur de Betty Bernard est inversée par rapport à Donald puisqu’ici, ils ont été ensemble et il l’a laissée tomber pour Betty alors que dans la version littéraire, Megan a toujours eu un faible pour Donald et ils se mettent ensemble à la fin. Thora Grey est par ailleurs dépeinte beaucoup plus explicitement dans la série et c’est bien dommage, car le personnage d’encre n’était que suggestion et son masque tombait à la toute fin, grâce à la perspicacité de Poirot.

  • Un héros dénaturé

Hélas, toute la personnalité du détective belge a été réécrite… Très loin du personnage d’Agatha Christie -qui ne s’attarde pas autant sur la psychologie de son héros-, il est ici humanisé à son paroxysme et nous suscite même de la pitié ! Ainsi, il nous semble très étrange d’entendre Poirot reprendre l’inspecteur Crome sur son humilité alors que lui-même est fier comme un coq ! Cependant, cet aspect de sa personnalité a été totalement gommé pour en faire quelqu’un de pieux et rongé de remords sur son mystérieux passé… que l’on découvrira à la toute fin, et qui est en totale inadéquation avec ce qu’on connaît de Poirot. Certes, de nombreux lecteurs n’aiment pas le côté vaniteux du personnage mais avec la cabale et le dénigrement dont il est victime à l’écran, nous ne pouvons être qu’être pris de sympathie pour lui. Cette différence majeure est toutefois assumée, ne serait-ce que physiquement, par le choix de ne pas arborer la fameuse moustache du personnage.

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  • Comparaison avec la série Agatha Christie’s Poirot

C’est une adaptation bien plus fidèle que nous propose la série dédiée au petit belge. Cette fois, Hastings est bel et bien aux côtés de Poirot mais Crome a été remplacé par Japp ! Les storylines des personnages sont respectées et nous retrouvons même certains dialogues à l’identique ! Là où le rythme s’étiole sur trois longs épisodes, ici le format choisi est un téléfilm de 90 minutes et cela suffit largement à boucler l’intrigue !

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En conclusion, The ABC Murders commet une fausse note en dénaturant le personnage emblématique écrit par Agatha Christie et nous regrettons la dissidence entre Crome et Poirot, alors que le duo aurait pu être prometteur. Bien plus sombre et dramatique, cette mini-série est une déception en terme d’adaptation du roman éponyme mais peut être considérée à part entière comme une bonne série policière, dont le héros ne serait qu’un homonyme de Poirot…

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