Westworld : l’avis de la rédac’ sur la saison 3 !

La très attendue troisième saison de Westworld, série de science-fiction créée par Lisa Joy et Jonathan Nolan, s’est achevée au terme de huit épisodes ce dimanche 3 mai sur HBO outre-Atlantique et sur OCS chez nous. Est-elle à la hauteur de nos espérances ? Voici notre avis sur la question.

*** Attention, cet article contient des spoilers ! ***

  • Une saison qui s’éloigne des précédentes

Dès le premier épisode, nous nous demandons si nous regardons bien la bonne série… De Westworld, le parc d’attractions que nous avons connu dans les deux premières saisons, il ne semble en rester que le titre. Bien qu’il soit logique que l’intrigue évolue dans le monde réel pour Dolores (Evan Rachel Wood) étant donné son désir de révolution en fin de saison 2, nous perdons l’essence même du show. Où est passée la complexité qui faisait son charme ? Westworld est l’une des rares séries à faire travailler notre matière grise, qui nous pousse à nous triturer les méninges pour recoller les pièces du puzzle et à émettre des théories les plus fantasques pour tenter de comprendre ce qu’il se déroule réellement. Or, ici, la saison est des plus linéaires -même si elle garde son aspect philosophique- et ne nous incite que peu à la réflexion.

Certaines séquences sont répétitives (notamment les flashbacks de l’histoire de Caleb Nichols, joué par Aaron Paul), les propos redondants et explicites, et le tout est parfois ennuyeux ! Les showrunners auraient-ils cédé à la simplicité afin que la série devienne accessible à un plus grand nombre de téléspectateurs ? Grave erreur, comme en attestent par ailleurs les audiences américaines en baisse… Seul l’épisode 2, mettant en scène Maeve (Thandie Newton) en immersion dans une simulation du parc, nous permet de retrouver pleinement l’univers familier de Westworld qui nous manquera cette année. Même la bande-son nous semble moins travaillée et ne parvient plus à nous transcender ! Nous avons ainsi l’impression de ne plus regarder le show que nous aimions tant mais une série différente, sorte de science-fiction futuriste à la Black Mirror consacrée aux intelligences artificielles.

  • La question du libre-arbitre

C’est LE thème de la saison : le libre-arbitre. Il peut s’appliquer aux storylines de tous les personnages mais concerne principalement Dolores, Caleb et un nouvel antagoniste, le français Serac (Vincent Cassel). Dans leur jeunesse, Serac et son frère pensaient que « l’ordre naît du chaos » et ont été pris d’un complexe divin : sauver l’humanité de sa nature auto-destructice. Ils ont donc créé un dieu, Salomon dans sa version initiale, puis Rehoboam, des intelligences artificielles aux accents bibliques censées prédire les actions et le futur des hommes en se basant sur des algorithmes qui utilisent toutes les données récoltées sur eux.

Des années plus tard, Serac, désormais seul aux manettes, a compris que son invention ne pourrait jamais sauver la nature humaine d’elle-même, et a donc opté pour une autre stratégie : reprogrammer certains individus, tels des hôtes, pour écarter tout sujet dangereux de la société. Toutefois, si les thérapies de conditionnement ne fonctionnaient pas, les sujets étaient tout simplement supprimés. Serac a ainsi ôté à l’espèce humaine sa capacité de choisir en lui imposant des vies basées sur des calculs. A contrario, le plan final de Dolores est de sauver le monde en lui offrant le choix : être maître de ses décisions. Elle déclare que les créateurs de Westworld ne croyaient pas au libre-arbitre mais elle entend bien prouver qu’il existe, même s’il s’agit de la voie de la difficulté. Très ironiquement, elle prive pourtant Caleb de choisir son propre chemin en faisant de lui le leader du nouveau monde à venir car elle estime qu’il se différencie de ses congénères par sa capacité à choisir et faire ce qui est juste.

Sur un plan secondaire, la storyline de William (Ed Harris) évoque le libre-arbitre à une échelle plus personnelle. En pleine introspection, l’homme en noir (dorénavant vêtu de blanc cette saison) se demande s’il n’a été qu’un passager de sa vie ou s’il l’a réellement choisie, une question qui peut faire écho à chacun d’entre nous… Il finira par résoudre son propre labyrinthe -en référence à la saison 1- et prendra la décision de tuer ceux qu’ils estiment responsables de ce qu’il est devenu : les hôtes. Bien qu’il pense enfin devenir acteur de son destin, il ne réalise pas qu’il a de nouveau suivi la voie de la passivité, celle de ne pas assumer ses actes et de fermer les yeux sur qui il est vraiment… Une ultime erreur qui lui coûtera la vie dans la scène post-générique du dernier épisode.

  • Sous le signe de la dualité

Faisons simple. Tout n’est pas noir ou blanc, il n’y a pas de gentils et de méchants à proprement parler, ni de gagnants et de perdants. Voilà l’une des finalités de la saison, pourtant amenée au fil des épisodes par des codes contraires : ceux de la dualité. Un manichéisme représenté cette saison par diverses symboliques dans la réalisation et la cinématographie. Lorsque l’action se déroule dans le monde réel, les couleurs sont froides, à dominantes bleutées et noires, tandis que les aventures virtuelles de Maeve sont dépeintes via des couleurs chaudes, et surtout par un changement de format plus cinématographique avec l’ajout de bandes noires. Une manière de nous rappeler que nous sommes dans une simulation.

Nous n’échappons pas non plus au contraste ombre et lumière, comme par exemple dans l’épisode 5 lors de la scène entre Dolores et Serac dans le hangar de l’aérodrome où la première est dans les ténèbres tandis que le second, en projection holographique, a le visage baigné de soleil. Une dualité qui nous évoque la nature humaine de l’un et robotique de l’autre, et même davantage : la représentation circulaire de Rehoboam et sa dominante blanche, qui devient entachée de noir lorsque Dolores y créé des perturbations, tel un virus informatique. C’est ici la symbolique du soleil et de la lune, et de l’éclipse créée par ces dysfonctionnements. Ou encore les évolutions croisées des deux personnages : Dolores se montre plus humaine que Serac en se sacrifiant pour sauver le monde alors que celui-ci perd son humanité pour mettre à bien son plan. Un inversement annoncé avec Dolores qui entre dans la lumière dans l’épisode 7 lorsqu’elle et Caleb rejoignent un grand ouest américain ensoleillé à dos de cheval, de couleur blanche désormais pour elle et noir pour lui, signe que le sombre passé du personnage sera bientôt dévoilé…

Quant à Charlotte, elle connaît également une évolution croisée avec Dolores. Bien qu’elles partagent la même identité, elles semblent être les deux faces du yin et du yang : l’une en noir qui laisse ses émotions de côté pour exécuter son plan tel Wyatt, et l’autre toujours vêtue de blanc qui se laisse attendrir par les humains de son entourage telle la Dolores de la première saison et qui finira par se salir les mains pour les sauver. À un autre niveau, la dualité est représentée avec la rivalité entre Maeve et Dolores mais il s’avère qu’elles ont plus en commun qu’elles ne le croient : ce sont toutes deux des survivantes et elles deviendront finalement alliées. En bref, vous l’aurez compris, cette saison utilise la dualité pour aboutir au message inverse.

  • Des personnages secondaires sous-employés

Vous aurez probablement remarqué que ce bilan évoque beaucoup Dolores. Ce n’est pas par choix d’écriture mais parce que la saison repose sur elle à 90%. En effet, elle est plus que jamais au coeur de l’intrigue, surtout avec la révélation de l’identité de ses clones. Malheureusement, les développements des autres protagonistes en pâtissent grandement… Commençons par Maeve (pourtant personnage principal !) qui se voit reléguée au second plan et qui doit se contenter d’une storyline bancale et peu cohérente avec sa personnalité puisqu’elle se retrouve cantonnée au rôle du gros bras de service pour le compte de Serac.

Que Maeve croit naïvement en sa promesse est déjà surprenant, qu’elle devienne suiveuse au lieu de leader encore plus, mais qu’elle obéisse sans ciller au méchant attitré de l’année nous fait complètement lever les yeux au ciel ! Un développement psychologique totalement illogique et même plutôt régressif pour celle qui est l’hôte la plus forte de tous -en raison de son dysfonctionnement qui lui permet de contrôler toute entité artificielle. Cette saison, elle semble juste être employée à se battre, telle La Mariée dans Kill Bill avec son katana. Des combats pour la plupart inutiles, comme par exemple la tuerie des nazis dans la dernière simulation de War World. De plus, son affrontement avec Dolores n’est qu’un prétexte narratif de fin de saison motivé par des raisons relativement floues. Maeve le dit elle-même à Dolores : « Ne remets pas en cause mes mobiles, je n’ai juste rien à voir avec toi ». Des motifs plutôt légers qui n’arrivent pas à nous convaincre… L’écriture du personnage de Maeve a tout simplement été bâclée cette saison pour notre plus grand désappointement…

Concernant les autres protagonistes, l’absence des anciens se fait grandement ressentir (Teddy, Clementine, Angela, Hector etc.). Il est plaisant d’en revoir certains brièvement mais leur apparition n’est pas pertinente et n’apporte rien à l’intrigue. Même William est sous-employé et son introspection n’est qu’un écran de fumée qui ne dessert aucun objectif capital, bien que l’on nous rappelle toute la saison que « chacun a un rôle à jouer« . Un leitmotiv qui sert davantage de justificatif à la présence des acteurs qu’à l’avancée de l’histoire… Ainsi, Bernard est supposé tenir un rôle clé -au sens propre et figuré- mais il ne fait qu’errer d’un endroit à un autre en compagnie de Stubbs (Luke Hemsworth, lui aussi devenu figurant), et nous devrons attendre la saison 4 pour que son potentiel soit de nouveau exploité comme il se doit. Seul le personnage de Caleb a droit à une storyline développée ainsi qu’à d’excellentes séquences, notamment celle qui rend hommage aux différents genres cinématographiques lorsqu’il est sous drogue dans l’épisode 5. Nous comprenons donc que son importance sera capitale dans la suite de la série…

En conclusion, beaucoup de déception pour cette troisième saison de Westworld qui s’éloigne totalement de ce qui faisait sa force et son charme. Prévue pour durer 6 saisons, espérons que la série saura corriger ses défauts pour ses prochains épisodes. Restent tout de même la cinématographie toujours aussi esthétiquement belle et stylisée, le casting impeccable et l’intelligence du propos délivré. Alors que les deux premières saisons méritaient 6/5, celle-ci se contentera de la note suivante : 3/5.

Crédits photos : HBO.

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