Twin Peaks Saison 3 : l’avis de la rédac’ !

C’était l’évènement de cette année 2017, annoncé depuis plus de 4 ans : le retour de la série culte Twin Peaks.

Véritable ovni télévisuel, Twin Peaks a probablement été, il y a maintenant 26 ans, la première grande série de l’histoire de la télévision, mais également la première à être portée par un cinéaste de renom, à savoir David Lynch (et bien avant que ce soit la mode).

26 après l’arrêt de la saison 2 et la révélation choc sur la mort de Laura Palmer, quelle saveur a ce retour à Twin Peaks ?

Ce bilan reprend des éléments clés de l’intrigue et en révèle le contenu. Spoiler alert.

  • Retour vers le passé

Les deux premières saisons de Twin Peaks, ainsi que le film que les accompagne, Fire Walk With Me (qui s’intéresse précisément aux évènements qui précèdent la mort de Laura Palmer et qui est indispensable à la compréhension de la série) se situaient tous dans la ville de Twin Peaks, sans jamais en franchir les frontières. C’était là que résidait l’ambiance quasiment anxiogène de la série et qui en renforçait son mystère.

Cette nouvelle saison ouvre de nouveaux horizons jusqu’alors jamais explorés : de Las Vegas, à Paris en passant par New-York et Buenos Aires, David Lynch nous fait voyager et amorce un changement important, car désormais la petite ville mystérieuse de Twin Peaks est connectée au reste du monde.

Malgré cette ouverture, ce retour à Twin Peaks est bercé de nostalgie. On retrouve quasiment l’intégralité du casting original au fur et à mesure des épisodes, avec 26 ans de plus. Le public a vieilli avec eux (plus ou moins selon l’âge du téléspectateur) et c’est une savoureuse sensation que de les retrouver.

Tout est intact : le commissariat, les locaux du FBI, la Red Room.. Un soin particulier a été apporté à respecter l’univers originel et ses décors.

Ces nombreux clins d’oeil (indispensables) au passé contribuent surtout à réchauffer l’ambiance d’un début de saison anxiogène et très froid, presque assourdissant.

  • Boucle temporelle sensorielle : Lynch fidèle à lui-même

Dans cette troisième saison qu’il a entièrement réalisée, Lynch prend une nouvelle fois un malin plaisir à nous torturer l’esprit et à balader son récit dans plusieurs univers temporels. Encore un véritable casse-tête en somme, auquel finalement chacun aura sa propre interprétation.

Nous retrouvons Dale Cooper (Kyle McLachlan) bloqué dans la Loge Noire (lieu mystérieux sur lequel nous n’obtenons finalement pas plus d’explications), tandis que son double (pour le moins maléfique) court toujours dehors. Cooper est le symbole de nombreux changements de temporalité – alors qu’il parvient à s’extirper de cette fameuse Loge Noire, il va finalement se retrouver propulsé dans un autre monde auquel il est parfaitement étranger (d’où son attitude de légume et son amnésie), à savoir le nôtre, se déroulant à notre époque, où il retrouve une femme (Naomi Watts) et un enfant qui lui sont étrangers, ainsi qu’une nouvelle identité, celle de Dougie Jones.

Pour résumer (et dans la continuité de la fin de la saison 2) : Cooper possède un double et navigue entre deux époques.

S’en suivent de looooooongs épisodes durant lesquels on meurt d’envie de secouer Cooper : ce n’est finalement que dans les trois derniers qu’il retrouve ses esprits, à l’occasion de son retour dans le passé et dans la ville de Twin Peaks.

  • Voyage psychédélique

Il est évident que Twin Peaks, comme l’ensemble de l’oeuvre de David Lynch se révèle pour le moins inaccessible et profondément complexe : s’il ne laisse pour sûr pas indifférent, il énerve autant qu’il fascine.

Cette troisième saison ne fait pas exception et propose là encore des scènes (voire un épisode entier!) de scènes surréalistes et absolument incompréhensible. Référence est ici faite à l’épisode 8 de la saison, qui se compose quasiment exclusivement d’images psychédéliques, comme un long trip sensoriel. Perturbant et déroutant, cet épisode est vu par certains comme un chef d’oeuvre télévisuel… à condition d’en avoir décelé le sens, ce qui est loin d’être gagné.

Lynch a le sens de la rupture de ton et propose également de nombreuses scènes de plans fixes au silence assourdissant où l’ennui pointe le bout de son nez.

  • Laisser le passé à sa place

A la lumière de cet intrigant épisode 18 venant conclure cette troisième saison, le message de David Lynch ne serait-il pas finalement qu’il faut laisser le passé où il est de ne pas tenter de revenir en arrière ? Est-ce un message finalement plein d’ironie et d’auto-dérision à l’idée d’un retour à Twin Peaks tant d’années après, suite aux nombreuses demandes des fans qui souhaitaient des réponses ? Explications.

Le dernier épisode montre Dale Cooper qui parvient à retourner dans le passé afin de tenter de sauver Laura Palmer. Au terme d’une scène grandiose, nous le retrouvons auprès de la jeune Laura Palmer, dans une scène reprise du film Fire Walk With Me, à l’issue de laquelle il l’emmène avec lui – Laura ne sera donc pas tuée par son père comme dans l’histoire que nous avons connue. Seulement elle finit par disparaitre à nouveau, et Cooper, accompagné de Diane (Laura Dern) parcourt des centaines de miles afin de la retrouver. Lorsqu’il y arrive, celle-ci a l’apparence que nous lui avons connue dès l’épisode 1, c’est à dire avec 26 ans de plus. Or elle est désormais amnésique et n’a aucun souvenir de son passé. Lorsque Cooper l’emmène devant la maison de son enfance, Laura, d’abord décontenancée, semble peu à peu recouvrer la mémoire. Dans un ultime hurlement, elle met un terme à l’épisode (et à la série?) et les lumières s’éteignent : Cooper se retrouve à nouveau perdu dans une dimension parallèle. L’ultime scène montre Laura murmurant une phrase à l’oreille de Cooper, dont nous ignorons la teneur.

En voulant retourner dans le passé et sauver Laura, Cooper a causé sa perte et bouleversé une nouvelle fois l’équilibre des mondes. Difficile de se faire une idée précise sur la signification qu’a voulu donner Lynch à cet évènement. Une chose est certaine, il semble vouloir démontrer que rien ne sert de vouloir revenir en arrière.

————-

  • Points positifs:

– La sensation unique de retrouver l’univers d’une série 25 ans après sa dernière diffusion

– Une richesse narrative rare

– Certaines scènes sont tout bonnement hallucinantes (dans tous les sens du terme)

– La richesse du casting

– Une expérience télévisuelle unique

  • Points négatifs:

– Finalement peu de réponses sont apportées et l’on ressort de cette expérience avec davantage de questions

– Trop complexe

– Une saison longue et parfois ennuyeuse

Conclusion : ce retour, 26 ans après était-il nécessaire ? Oui et Non. Si cette troisième saison bénéficie grandement de la nostalgie de retrouver une série culte après tant d’années, elle se révèle partiellement décevante, car elle soulève bien davantage de nouvelles questions qu’elle ne répond à celles que nous nous posions après les deux premières saisons. Le rythme s’accélère clairement lors des trois derniers épisodes, à partir du moment où l’on retrouve le Dale Cooper que l’on a connu. Ce retour est néanmoins extrêmement riche en propositions, plus ou moins compréhensibles il faut bien l’avouer, de la part de Lynch. Le cinéaste bouleverse une nouvelle fois les carcans habituels de la narration et nous torture l’esprit, comme lui seul sait si bien le faire. Si ce retour est davantage réussi que raté, il s’avère néanmoins pénible par moments, génial par d’autres, mais on sent toujours que le génial réalisateur sait où il veut nous amener et maîtrise parfaitement son histoire. Le bémol est que l’ensemble est d’une complexité rare et que seuls les puristes les plus attentifs de Twin Peaks pourront tenter de percer le mystère. Mais il faut bien reconnaître le génie de Lynch qui arrive une nouvelle fois à aller au delà du simple récit et à proposer d’innombrables mystères, qui resteront peut-être sans réponse.

 

3,5/5

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2 commentaires

Theobald

le 6 octobre 2017 à 19h44

Merci pour ton commentaire et tes conseils 😉
Je suis moi-même un très grand fan de l’oeuvre de David Lynch, parfois très inaccessible il faut bien l’avouer (par exemple j’ai été subjugué par Mulholland Drive et Lost Highway malgré leur complexité, mais je suis resté dubitatif et coi devant Inland Empire).

J’ai en fait trouvé cette saison 3 beaucoup plus complexe et tortueuse que les deux autres.

Je vais regarder le lien et ta vidéo 🙂

arnaud

le 5 octobre 2017 à 5h18

Les œuvres de David Lynch sont rarement facile a comprendre a la première vision, Il faut considérer cette saison 3 de twin peaks comme un film de 18h et comme un de ses projets les plus personnels et abouti.
Ce qu’il faut retenir c’est que même si l’on ne comprends pas , on prends la plupart du temps un grand plaisir a les regarder que cela soit pour la réalisation, la créativité, la direction d’acteurs, l’humour …
Personnellement je trouve que son univers est d’une telle richesse que je peux revoir sans probleme la série 3 fois de suite et y prendre du plaisir, essayer de comprendre a posteriori est également intéressant 🙂
Tu penses que le personnage presque catatonique de Dougie Jones est ennuyant et qu’on a envie de le secouer; moi j’ai trouvé la plupart des scenes avec lui particulièrement cocasses et drôles, cf cet article :
http://www.slate.fr/story/150702/ode-dougie-twin-peaks

Si tu veux comprendre twin peaks saison 3 je te conseille cette vidéo en anglais ( https://youtu.be/IvkELCBORLQ ) qui explique a mon avis parfaitement l’histoire et l’esprit tortueux et complexe de David Lynch 😀