Self Made (Madam C. J. Walker) : l’avis de la rédac’ sur la mini-série Netflix

Vous avez très certainement entendu parler de Self Made, la mini-série Netflix à propos de la vie de Madam C. J. Walker. En 4 épisodes d’environ 50 minutes, on découvre l’ascension fulgurante de cette femme d’affaires autodidacte, qui passe de blanchisseuse et fille d’anciens esclaves, à philanthrope distribuant sa fortune autour d’elle, et qui aurait été la première femme américaine millionaire.

  • Une série haute en couleurs

Self Made : Inspired by the Life of Madam C. J. Walker est l’adaptation de la biographie de Madam C. J. Walker par son arrière-petite-fille A’Lelia Bundles. C’est une série très dynamique où le personnage principal, Sarah Walker, est en constante évolution. D’un épisode à l’autre, ou au sein même d’un épisode, les problématiques changent aussi rapidement que l’ambition de la protagoniste.
La série est haute en couleurs à la fois visuellement, parce que Sarah rêve beaucoup, mais aussi dans les actions et les dialogues pleins de vie de ces Afro-Américains qui portent un regard très juste sur la société dans laquelle ils évoluent.
On ne s’ennuie pas une seconde : Sarah Walker (née Breedlove, 1867-1919) a un rêve immense : créer sa société de produits capillaires adaptés aux cheveux africains, et dépasser l’icône des self made men Blancs, Rockefeller.

  • Un contexte historique intéressant

La série n’est en rien futile. Sarah Walker consacre sa vie aux cheveux, et bien qu’à plusieurs reprises, des personnages tentent de montrer la futilité d’une telle ambition, elle ne se décourage jamais. Il ne s’agit pas non plus simplement des aventures d’une femme d’affaires, il est question de l’émancipation des Afro-Américains, moins de cinquante ans après l’abolition de l’esclavage par le président Abraham Lincoln, mais aussi de celle des femmes, à l’époque encore soumises à leur mari – d’où le nom de C. J. Walker, nom marital de Sarah Breedlove.
Tout au long de la série, Madam C. J. Walker lutte pour l’acceptation de son entreprise, mais aussi pour s’accepter elle-même, avec sa peau noire, notamment face à sa rivale métisse qui lui explique que c’est aux filles comme elles, ayant du sang mélangé, que les Noires veulent ressembler, mais aussi pour que sa fille trouve son bonheur.

  • Les aspects techniques bien maîtrisés

La mise en scène suit le rythme entraînant de la série bien qu’elle soit inégale : à certains moments, la caméra s’attarde trop sur certaines scènes qui auraient pu être plus rapides, tandis que la réalisation va parfois bien trop vite et laisse des questions en suspens.
Les acteurs sont tous crédibles et s’effacent au profit de leur personnage. Octavia Spencer donne vie à cette Madam C. J. Walker, dont on ne savait rien. Par le passé, l’actrice a décroché l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour La Couleur des sentiments et a joué dans La Forme de l’eau, ou encore la série Ugly Betty. L’acteur Blair Underwood (Sex and The City, Dear White People) campe un époux tourmenté convaincant. Petit bémol pour la distribution de Lelia, fille de Sarah Walker : si le jeu de Tiffany Haddish (The Carmichael Show) semble juste pour interpréter cette jeune femme qui découvre ses sentiments, on peine à croire qu’elle est bien la fille du personnage joué par Octavia Spencer, de seulement sept ans son aînée.

* Spoiler alert *
On n’apprécie pas non plus le fait qu’un personnage dispersé et un peu puéril se révèle lesbienne, comme si l’on devait forcément être à côté de ses chaussures parce que l’on est homosexuel… Bien sûr, cela peut être expliqué par le contexte historique très peu tolérant envers la communauté LGBT à l’époque.

* Fin du Spoiler *

Nous aurions aussi aimé une musique un peu plus présente, mais la réalisation de Self Made reste très satisfaisante.

  • Une adaptation très libre qui dénature la réalité historique

Vous l’avez compris : jusqu’à présent, notre bilan était très positif… C’était jusqu’à se pencher sur la véritable histoire de Madam C. J. Walker.

* Attention, cette partie contient des spoilers *

Quand on adapte la vie de quelqu’un, il est important de respecter un minimum la réalité. Bien sûr, les faits sont toujours romancés, puisque l’oeuvre audiovisuelle (film ou série) relève du divertissement, mais après nous être un minimum renseigné.e.s sur la vraie histoire de Madam C. J. Walker (notamment en lisant les bios Wikipédia de l’intéressée et sa rivale), force est de constater que l’adaptation est plus que libre, ce qui n’est pas tant une surprise puisque la source principale est une biographie écrite par son arrière-petite-fille et non par des historiens (à ce niveau-là, n’ayant pas lu le texte en question, il nous est difficile de dire si c’est la biographie ou l’adaptation Netflix qui prend des distances avec les faits).

Pour compléter nos sources, nous avons également lu le travail très complet et recherché de Robert Walker pour Harlem World Magazine. Le point qui nous fâche le plus ? Le personnage d’Addie Munroe, la méchante rivale métisse au teint de miel, sans cesse en train de mettre des bâtons dans les roues de la pauvre Sarah Walker, a été complètement réécrit à partir d’Annie Malone, qui a réellement existé. Annie Malone n’était pas métisse mais Afro-Américaine, comme Sarah Walker. Il n’y avait donc aucune concurrence en terme de couleur de peau. Elle ne vendait pas ses produits en faisant du porte-à-porte, mais était à la tête d’une grande entreprise de produits cosmétiques pour cheveux africains. Sarah Walker travaillait pour elle. C’est après une querelle qu’elle a décidé de monter sa propre affaire en se servant des produits d’Annie sans jamais l’admettre. Elle a, par la suite, copié l’usine et les actions philanthropiques d’Annie, qui est restée une puissante femme d’affaires et est elle aussi considérée comme potentiellement la première femme millionnaire (les fortunes étaient difficiles à estimer à l’époque). Avec ces informations, on regarde le personnage de Madam C. J. Walker différemment.

Self Made est une série divertissante, mais aussi instructive. Elle permet de découvrir la vie des Afro-Américains à la fin du XIXème et au début du XXème siècles. Le rêve et l’ambition de Madam C. J. Walker, les innombrables obstacles sur sa route, mais sa détermination malgré tout font plaisir à voir. Il est essentiel de soutenir des programmes dont les personnages principaux sont Noirs, quand, en 2020, on est encore malheureusement à l’ère des hashtags #BlackLivesMatter et de la montée en puissance du racisme aux États-Unis et dans le monde.
En regardant Self Made, il faudra simplement garder en mémoire que l’histoire est très romancée, notamment pour mettre en valeur la protagoniste. Si cela ne vous dérange pas, Self Made est pour vous ! Notre note : 3,2/5.

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