Sortie ce vendredi 2 octobre sur Netflix, Emily in Paris fait déjà couler beaucoup d’encre dans la presse. La raison ? Les Français s’offusquent de la vision très caricaturale que les Américains se font d’eux et de leur pays. Alors, simple ramassis de clichés ou série qui vaut le coup d’œil ? Voici notre avis.
- Les codes de la chick flick
Emily in Paris est la nouvelle comédie sentimentale de Netflix et c’est à Darren Star que nous la devons. A son actif : Beverly Hills et son spin-off 90210, Melrose Place, Younger et surtout, Sex and the City. Car c’est davantage dans cette dernière que puise la série : une ville mise en lumière tel un personnage à part entière, des sorties entre amies et des histoires d’amour.
Mais si on cherche d’autres sources d’inspirations chick flick, il nous faut alors citer Le Diable s’habille en Prada. En effet, l’intrigue du show tourne principalement autour du métier de l’héroïne, Emily (Lily Collins), dont les tenues semblent tout droit sorties d’un magazine, et sa relation avec son antipathique patronne Sylvie (Philippine Leroy-Beaulieu) n’est pas sans rappeler celle d’Andy (Anne Hathaway) et Miranda (Meryl Streep). Un programme plutôt alléchant qui plaira aux amateurs du genre. Mais c’était sans compter sur l’accumulation de stéréotypes qui vous feront soit frémir, soit sourire…
- Les clichés ont la vie dure
Impossible de ne pas évoquer ce point dans notre critique, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi la série fait tant polémiquer. il faut savoir que ce n’est pas la première fois que Darren Star met Paris en scène. Ainsi dans Beverly Hills en 1992, il faisait manger de la cervelle de veau à Brenda (Shannen Doherty). En 2004, dans Sex and the City, il faisait dire à Carrie (Sarah Jessica Parker) : « J’ai toujours voulu boire du vin avant midi« , une réplique reprise par… Emily. Ainsi, en 30 ans, le regard du showrunner sur notre capitale n’a pas beaucoup évolué ! Paris ville de l’amour et de la sexualité, la France pays de vin et gastronomie, le tout saupoudré de fashion victimes à tous les coins de rues… Une vision naïve digne d’une carte postale qui renvoie aux étrangers une image erronée de la réalité.
Au final, c’est une Paris fantasmée par les Américains mais désenchantée pour les Français qui est dépeinte dans la série. Car non, tout n’est pas rose. Les Français sont désagréables (ou seulement les Parisiens ?), ils écoutent du Edith Piaf (oh que non !), ils préfèrent fumer que manger, ils trompent leurs conjoint(e)s et ces dernier(e)s sont d’accord, ils s’éclairent à la bougie dans leurs châteaux de famille, sans oublier que tous les hommes sont dans un rapport de séduction avec les femmes -même dans le milieu du travail (cela s’appelle du harcèlement sexuel)- et qu’ils sont les meilleurs amants du monde (si seulement !). Mais y a-t-il une part de vérité dans tout ça ?
- Le point de vue d’une parisienne
En tant que parisienne, clarifions les choses en reprenant quelques éléments du show.
Oui, Paris est une belle ville aux nombreux monuments touristiques mais où est l’envers du décor ? Le métro bondé, les sans-abris désespérés, les pigeons envahisseurs ou encore le périph’ et sa pollution ?
Non, les entreprises parisiennes n’ouvrent normalement pas à 10h30 mais dans certains secteurs tels que l’audiovisuel, l’événementiel ou encore le marketing (comme Savoir dans la série), certaines sociétés ont des horaires plus tardifs et il n’est pas exclu d’avoir deux heures de pause déjeuner. Tout du moins à Paris. Ce point ne nous choque donc pas.
Oui, certains Parisien(ne)s manquent de savoir-vivre, soyons réalistes. Il nous est déjà arrivé d’être témoins de déjections canines abandonnées sur le trottoir par leurs irrespectueux maîtres, de nous faire houspiller par des personnes impolies ou des commerçants désagréables, de tomber sur ce gars « snob » arrogant qui n’aime rien ou de prendre une bouffée de cigarette d’un inconnu dans la figure (mais il est interdit de fumer sur son lieu de travail depuis 1991 !).
Non, les vraies chambres de bonnes ne ressemblent pas à celle d’Emily puisqu’elles font environ 9m² avec salle d’eau et/ou WC sur le pallier… Ici, c’est dans un studio bien agencé que réside la jeune femme.
Oui, il nous arrive de croiser des voisins d’immeuble mais pas toujours le même, pas si souvent, et surtout pas « le » beau gosse du quartier (on aimerait bien pourtant) qui s’avère être bilingue. Et à ce sujet…
Non, tout le monde ne parle pas anglais en France, c’est même plutôt rare. Et ce qu’il l’est davantage, c’est de voir deux Français parler anglais entre eux, ce qui arrive très souvent dans la série.
Mais ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est qu’Emily in Paris n’est autre qu’un programme télévisé…
- Un divertissement avant tout
Rien ne sert de s’offusquer de cette accumulation de stéréotypes car il ne faut pas oublier qu’Emily in Paris est avant tout une fiction. Comme sa définition l’indique, elle nous présente une vision romancée de la réalité, et c’est d’ailleurs un sujet évoqué par l’héroïne elle-même dans l’épisode 7 lorsqu’elle converse de la notion de happy end avec ses collègues de travail : « Les gens ne vont-ils pas au cinéma pour échapper à leur vie ?« . Une analyse pertinente et lucide de la nature du show qui cherche quelque peu à s’auto-justifier, à raison : la série est une comédie romantique à l’eau de rose sans prétention initialement destinée à Paramount Network, chaîne câblée américaine, et non à Netflix, plateforme de streaming à visibilité mondiale.
Faisons abstraction des clichés et ne prenons pas Emily in Paris au premier degré. Après tout, pour qui Friends avec son immense appartement new-yorkais pour un petit salaire, ou Sex and The City avec une pigiste qui s’offre plusieurs paires de Manolo Blahnik par mois sont-elles crédibles ? Pour personne, et surtout, cela ne gêne personne et n’empêche personne d’apprécier leur contenu. C’est pourquoi, s’il y a une réelle problématique à aborder dans le show, ce n’est pas l’image de Paris et des Français mais l’écriture de l’héroïne.
- Emily, pas si jolie
Elle s’appelle Emily et elle est jolie mais il y a un mais ! Jeune américaine débarquée dans un pays dont elle ne parle pas la langue, la demoiselle se veut malgré elle moralisatrice alors qu’elle est très mal placée pour se permettre de juger… Tout d’abord dans le milieu professionnel où elle impose ses idées -qui bien évidemment feront des étincelles- sans prendre la peine de chercher à s’adapter au fonctionnement de l’entreprise. Emily va révolutionner le marketing à elle toute seule ! Elle trouve toujours la solution à tout alors qu’on ne va pas se mentir, elle n’a pas l’air très maligne et choisit délibérément de rester dans une sorte d’ignorance face à ce qui l’entoure.
Autre souci rencontré avec son comportement : tout le monde la traite mal mais elle reste incroyablement gentille et bigrement serviable avec le sourire aux lèvres. Nous avons ici affaire à une héroïne qui veut se faire apprécier par tous, même ceux qui ne l’aiment pas, au lieu de rester elle-même. Cette candeur niaise qui émane d’elle en font une femme affectivement dépendante et non une protagoniste forte. Mais le pire est à venir puisqu’elle se scandalise des tromperies qui l’entourent, or dans sa vie privée, c’est bien elle qui prétend être amie avec Camille (Camille Razat) alors qu’elle flirte avec son compagnon, Gabriel (Lucas Bravo). Une hypocrisie pour le moins gênante… Pour autant, son interprète Lily Collins se révèle pétillante et pleine de fraîcheur et campe à merveille le personnage !
En conclusion, malgré les nombreux clichés disséminés tout le long des 10 épisodes sur la capitale et les Français, Emily in Paris est une bluette automnale qui vous fera passer le temps. Une série divertissante, à prendre pour ce qu’elle est : une fiction. Il serait dommage de confirmer notre réputation de râleurs en manque d’auto-dérision ! La réalisation nous fait découvrir un Paris touristique aux décors luxueux (l’Opéra, le Plaza Athénée, etc.) et les tenues d’Emily feront rêver plus d’une téléspectatrice. En revanche, le scénario est un peu maigre et la personnalité de l’héroïne reste discutable. Note : 2,75/5.