Deux mois après son lancement, la première saison d’Absentia s’achève déjà au bout de 10 épisodes. Diffusée sur la chaîne AXN en Europe, sur Showcase au Canada et sur Altice Studios en France, la série vient d’être acquise par Amazon aux Etats-Unis et sera lancée courant 2018. Nous vous avions précédemment donné notre avis sur le pilote, voici désormais celui sur cette première saison.
*** Attention, cet article contient des spoilers ***
- Un thriller noir
Si vous souhaitez regarder une série feel-good ou un show qui vous détende, passez votre chemin ! Absentia est un thriller noir, à l’ambiance volontairement anxiogène. Le ton est donné dès le pilote, Comeback, où l’on assiste au retour d’Emily Byrne (Stana Katic) dans de sombres circonstances, 6 ans après avoir été enlevée par Conrad Harlow (Richard Brake), un serial killer. L’ancienne agent du FBI a en effet été retrouvée dans un caisson verrouillé submergé d’eau et n’a aucun souvenir de ce qui lui est arrivé durant ces 6 dernières années, à l’exception de flashbacks où elle se voit battue, affamée et torturée. Déclarée morte, elle a laissé derrière elle son mari Nick (Patrick Heusinger), lui aussi agent du FBI, et son fils Flynn (Patrick McAuley) qui l’ont remplacée par Alice (Cara Theobold), nouvelle épouse de Nick et mère adoptive de Flynn. La réadaptation à la vie normale ne se fera pas sans heurts pour Emily qui se fait rejeter par son propre enfant, ne voyant pas en lui sa vraie maman. De plus, son frère Jack (Neil Jackson) ne lui facilitera pas la tâche non plus.
En parallèle, le FBI enquête sur un mystérieux cadavre portant les mêmes marques distinctives du serial killer qui aurait enlevé Emily, à savoir : les paupières découpées. L’héroïne passe alors de victime à suspect puisque son ADN a été retrouvé sur le lieu du crime et que lors du meurtre, Harlow était en prison… S’ensuit alors une traque humaine dont elle ne sortira pas indemne, entre trahisons, déceptions, dramas familiaux et autre balle dans le ventre… Sa fuite et d’autres découvertes macabres en pleine forêt (de nuit, pour l’atmosphère lugubre) viendront corroborer la thèse qu’Emily est coupable. La réalisation se veut tout aussi anxiogène que la bande-son avec de longs plans haletants (comme dans l’épisode 2, Reset, où Emily observe longuement Alice et Flynn des bois), et le choix des couleurs dominantes témoigne de cette atmosphère angoissante : noir, vert foncé et marron. Oscillant à la fois entre polar et drame psychologique, Absentia s’avère être un thriller noir qui ne laisse pas indifférent (on pensera notamment aux scènes explicites de torture d’enfants). Cependant, l’intrigue a parfois tendance à nous déstabiliser quelque peu…
- Un show qui navigue en eaux troubles
Malgré un fil rouge assez lisible (Emily pourchassée par le FBI qui cherche à prouver son innocence), on ne sait parfois plus que penser tant les pistes sont complexes. En début de saison, Emily découvre qu’Adam Radford (Ralph Ineson), directeur du FBI, pourrait être impliqué dans son kidnapping. Elle ira même jusqu’à entrer par effraction chez lui et découvrira un carnet caché avec de nombreux dessins d’yeux en sang, sorte de modus operandi du découpage de paupières, signe distinctif du serial killer Conrad Harlow. Serait-il son complice au vu de telles preuves accablantes ? Il n’en est rien, et l’agent finira interrogé par Emily attaché sur une chaise et même abattu de sang froid. Nick et Tommy (Angel Bonanni), policier en charge de l’enquête, verront immédiatement en Emily la coupable désignée et la jeune femme n’aura de cesse de prendre la fuite dès lors. Le même schéma se reproduira pour Jack, frère d’Emily, lorsque celle-ci trouvera sur son ordinateur des preuves de son implication dans des pratiques sexuelles hors normes : Jack garde en effet des vidéos de ses mises en scène sexuelles où des femmes y sont (volontairement ?) maltraitées. De plus, il choisit chaque fois une partenaire du nom d’une fleur… comme le prédateur sexuel de la dernière enquête d’Emily avant d’être enlevée, retrouvé mort dans le pilote avec des traces ADN d’Emily, ce qui lui avait valu d’être suspectée de meurtre… Vous suivez toujours ? Parce qu’au final, ce n’est à nouveau qu’une autre fausse piste !
Le souci est le suivant : ces pistes paraissent trop grosses pour être totalement fausses et aussi rapidement écartées. De plus, elles s’évanouissent du jour au lendemain pour mener à un autre indice, complétement différent. Parfois prévisible également, le show pèche par un manque évident de subtilité au niveau de l’écriture et oublie de temps en temps que le téléspectateur a besoin d’un minimum de crédibilité pour adhérer à l’histoire. Vers la fin de saison, nous voici donc plongés dans une piste liée à l’enfance (d’Emily ?) où des petites filles et petits garçons sont torturés pour un soi-disant projet psychologique en étant immergés dans un caisson étanche… rappelant alors le mode opératoire de Conrad Harlow et pouvant expliquer que l’aquaphobie d’Emily remonterait à bien avant son enlèvement. Harlow avait-il un complice ? Si oui, Emily ? Ou n’en avait-il pas et était-ce Emily tout ce temps ? L’intrigue est donc prenante malgré tout et Stana Katic arrive à nous entraîner avec nous sans lassitude durant ces 10 épisodes de la saison 1 en ne nous donnant qu’une seule hâte : découvrir le fin mot de cette sombre histoire !
- Des personnages (trop) ambigus
Jack, évoqué ci-dessus, en est un parfait exemple. D’abord frère modèle et compréhensif qui héberge sa sœur et l’aide à se réadapter à sa vie, il replongera dans ses démons -à savoir l’alcool, après plusieurs années de sobriété- et blâmera même Emily dans de violents accès de colère, lui faisant comprendre que son retour a provoqué sa rechute. Alors que leur père (Paul Freeman) est prêt à tout pour protéger sa fille, il semblerait que Jack soit au contraire sur le point de la dénoncer au FBI. Lorsqu’Emily trouvera les vidéos compromettantes, Jack passe alors dans le collimateur du FBI et nous sommes désormais prêts à parier que sa storyline s’arrête là, ou tout du moins qu’elle ne rejoindra plus celle d’Emily. Et pourtant ! C’est Jack qui sauvera sa sœur après qu’elle ait été blessée par balle et il deviendra -à notre plus grande surprise- son meilleur allié. Il ira même jusqu’à mentir au FBI et se rendre complice des faits et gestes d’Emily. Un tel renversement de situation est de nouveau peu crédible et entache quelque peu notre perception de l’intrigue. Mais il n’est pas le seul concerné puisque Nick passe lui aussi du plus fidèle allié d’Emily à son plus grand persécuteur. Au fil des épisodes, et sans qu’on comprenne réellement pourquoi, le personnage fait un brusque volte-face au sujet d’Emily et ne cesse de la traquer en la considérant comme une meurtrière et comme la kidnappeuse d’Alice et Flynn, son propre enfant. Au final, il ne se comportera pas beaucoup mieux avec son épouse et notre réflexion nous pousse à penser qu’il ne mérite aucune des deux femmes ! Du côté de Flynn, on pourrait presque dire « tel père, tel fils » tant son comportement est illogique également. D’abord réticent à l’idée de se rapprocher d’Emily car il considère Alice comme sa vraie mère, il semblera par la suite très proche d’Emily et sera le seul à croire en elle, puis ne lui jettera même pas un coup d’œil lors de l’épisode final, Original Sin. On regrettera aussi la touche soap opera concernant Alice, qui découvre qu’elle est enceinte…
Mais la palme du personnage le plus ambigu revient bien évidemment à Emily, à la fois victime et bourreau, pour sa plus grande ignorance. Toute la saison est basée sur des indices portant à croire qu’Emily serait plus impliquée qu’elle ne semble l’être mais la question serait davantage : est-ce à son insu le plus total ou en est-elle consciente ? Peu d’autres personnages de séries ont subi ce qu’a vécu Emily et ce qu’elle continue d’endurer à son retour : torturée, affamée, battue, lobotomisée, pendant 6 ans puis délaissée de tous, à commencer par son fils, puis son patron, son frère, son mari, à la seule exception de son père. Le personnage fait preuve d’une grande force de caractère et se raccroche à l’amour qu’elle porte à son fils. Elle pardonne même (trop) facilement Nick pour n’avoir pas cru en son innocence et la fin de saison semble de bonne augure pour elle, l’espoir de reconstruction est enfin permis, comme le montre son bonheur retrouvé dans la scène finale et une idylle naissante avec Tommy, mais ses flashbacks viennent révéler ce que l’on craignait depuis le début… Personnage complexe, celui d’Emily est de loin le plus intéressant de la série, entre traumas du passé et besoin d’avancer. Quant aux autres, leur écriture est parfois trop bancale pour être cohérente durant toute la saison !
- En conclusion
Points positifs :
– la prestation impeccable de Stana Katic
– l’intrigue prenante, entre la fuite d’Emily et sa quête de vérité
– la révélation finale qui éclaire le téléspectateur sur ce qui est réellement arrivé à Emily
– l’atmosphère pesante parfaitement retranscrite…
Points négatifs :
– … mais cette ambiance lourde peut parfois gêner le téléspectateur
– le personnage de Nick et son interprète, sans doute l’acteur le moins convaincu et le moins convaincant du show
– les fausses pistes, trop importantes pour n’être finalement qu’un simple hasard
– le développement psychologique des personnages, parfois bancal
Note : 3,5/5. Malgré ses défauts, Absentia et Stana Katic nous plonge avec elles dans les profondeurs de cette sombre histoire qui ne nous laisse pas indifférent. L’actrice délivre une performance impeccable en femme torturée et porte la série sur ses épaules avec brio. La fin de saison annonçant une possible suite des malheurs d’Emily, reste à savoir si AXN renouvellera le show pour une seconde saison…