Pourquoi faut-il absolument regarder l’épisode 19 de la saison 15 de Grey’s Anatomy ?

[Attention trigger warning, l’épisode et la critique qui suit traitent de sujets difficiles comme le viol et les agressions sexuelles. Si vous êtes sensibles à cela, ne continuez pas votre lecture.]

[Cet article contient des SPOILERS]

La diffusion de l’épisode 19 de la saison 15 de Grey’s Anatomy (mercredi 27 mars au Canada et jeudi 28 mars aux US sur ABC) restera dans les annales de la télévision. Le célèbre show de Shonda Rhimes est connu pour de multiples raisons : les intrigues médicales, les romances mais surtout une non concession dans les idées défendues. La série, résolument féministe, aborde des thèmes forts, actuels et l’épisode de cette semaine ne fait pas exception.

L’épisode 19 parle du viol à travers deux histoires parallèles tournant autour du personnage de Jo (Camilla Luddington). Dans le présent elle reçoit à l’hôpital une femme avec une coupure au visage, elle se rend rapidement compte qu’elle a été agressée sexuellement et va aller à l’encontre du protocole pour s’occuper d’elle. Dans les flashbacks, on voit sa rencontre avec sa mère biologique qui répond à ses questions concernant son père et lui raconte qu’elle est le bébé né d’un viol.

Le sujet est important mais glissant et la réalisation de Debbie Allen (qui joue aussi Catherine Avery dans la série) est à la hauteur, c’est à dire sans défaut. C’est probablement le meilleur traitement de ce sujet encore tabou jamais réalisé à la télévision. Le jeu des acteurs est poignant, au service d’une écriture douloureusement réaliste. Dans le rôle de la mère de Jo, Michelle Forbes (True Blood, Hunger Games, BattleStar Galactica), délivre une performance époustouflante. Sans jamais aller trop loin, elle transmet les émotions de son personnage qui revit cette nuit où tout a basculé et doit faire face à l’enfant né de ce drame qu’elle n’a su garder.

L’idée de l’épisode est venue de l’affaire du juge Kavanaugh aux Etats-Unis, Christine Blasey Ford s’était avancée et avait parlé de son agression par Kavanaugh lorsqu’elle était encore au lycée, pour contrer sa nomination en tant que Juge Suprême. Son témoignage a fait couler beaucoup d’encre mais n’a malheureusement pas porté ses fruits. Ford est devenue, malgré elle, un symbole de toutes les survivantes à travers le monde. Krista Vernoff, la showrunner de Grey’s Anatomy, est allée demander à l’équipe de scénaristes d’écrire un épisode inspiré de ce fait d’actualité. Elisabeth R. Finch a sauté sur l’occasion et a livré un script d’une justesse sans compromis et sans pathos. A tel point qu’après avoir l’avoir lu, ABC a renvoyé des notes à Shonda Rhimes lui demandant entre autres de « ne pas montrer de fluides sur les coton tiges » ou « de fluides sous la lumière bleue » et même de « l’alléger un peu » (le script ndlr), ce à quoi elle a répondu « Je décline respectueusement ces notes », arguant que le protocole du kit du viol était important à montrer et que les chaines acceptent bien souvent sexe et sang sans sourciller. ABC est finalement revenue vers elle en lui disant qu’elle avait raison.

Les précautions prises dans le traitement de cette victime (jouée par la « presque trop » convaincante Khalilah Joi), respectant toujours ses besoins, attendant son « oui », lui redonnant le pouvoir de dire « oui » ou « non » est incroyable de tendresse et de soutien. Son monologue désespéré sur son refus du kit de viol parce que ce kit n’aura pas le pouvoir de contrer les arguments des hommes qui diront qu’elle portait une jupe trop courte ou qu’elle a bu un verre de tequila est bouleversant. Son incapacité à faire face à un médecin homme, et à la fin de l’épisode, à juste sortir de la chambre pour aller au bloc opératoire par peur de croiser un visage masculin qui lui rappellerait celui de son agresseur, amène à une des scènes les plus émouvantes et puissantes de l’épisode, voire même de la série : toutes les femmes de l’hôpital se tiennent debout dans le couloir jusqu’au bloc. Ces femmes se tiennent debout pour la soutenir, pour se soutenir entre elles, pour leurs filles, pour leurs mères, et c’est beau à voir. La scène a été très difficile à tourner et beaucoup de femmes ont voulu y participer : scénaristes, membre d’ABC, actrices, assistantes, membres de l’équipe de tournage. Ça en dit long sur l’impact de cet épisode. La réalisatrice Debbie Allen a d’ailleurs dû détendre l’atmosphère sur le set tant l’ambiance était lourde :

Les dernières minutes sont consacrées aux hommes. Le fils de Bailey, Tuck, et son beau-père (interprété par Jason George) mangent un burger et Ben décide d’avoir LA conversation avec son beau-fils. Il lui explique comment traiter les femmes et l’importance de respecter leurs envies sous fond de métaphore sportive : « si elle ne s’amuse plus, tu arrêtes de jouer. A n’importe quel moment. Fin de partie. » et l’oblige à répéter cette phrase ô combien importante.

L’épisode passe donc par le passé avec les conséquences et la reconstruction d’une victime, le présent avec une femme qui vient d’être agressée et doit faire des choix et se termine avec le futur qui repose sur l’éducation des jeunes garçons. Un chef-d’œuvre.

Depuis sa diffusion, la réponse sur les réseaux sociaux est incroyable. Le message est délivré de main de maitre et il doit être répandu. Voilà pourquoi, que vous aimiez la série ou pas, que vous la suiviez ou pas, vous devez regarder l’épisode 19 de la saison 15 de Grey’s Anatomy.

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